En dépit de sa volonté et des derniers événements, Gabriel Nadeau-Dubois est sorti du lot pour apparaître comme un chevalier sans peurs et sans reproches.
Si la saga des frais de scolarité et de la loi 78 a été cruciale, elle nous a permis de découvrir un leader de taille qui n’est pas près de disparaître du décor. Nous avons réussi à intercepter le représentant bien connu de la CLASSE au cours d’une des soirées de négociations. Son attaché de presse avait fait des pieds et des mains pour l’arracher à un horaire démentiel, afin qu’il puisse nous livrer ses états d’âmes. Sait-il qu’au lendemain de cette guerre d’usure sa vie ne sera plus la même? Qu’il ne pourra plus circuler anonymement dans nos rues?
« C’est bien entendu. Ç’a changé ma vie, mais je pense que le conflit a aussi changé la vie de bien des gens. Ceux qui avaient des préjugés sur les jeunes, vus comme des individualistes, accrochés à leurs ordinateurs, se sont rendus compte que cette jeunesse a aussi changé. » D’étudiant qu’il était et qu’il est toujours, comment parvient-on à garder son équilibre quand, jour après jour, vous avez une meute de journalistes à vos trousses qui vous mitraillent de questions et de flash photos?
« C’était entendu dès le départ que j’étais seulement le lien entre la CLASSE et le gouvernement. C’est le gouvernement Charest qui, dans une stratégie délibérée, a voulu me diaboliser, avec pour objectif que je sois renié par les miens sous prétexte que je serais devenu une vedette. » Mais le manège n’a pas marché. Gabriel Nadeau-Dubois a respecté jusqu’à la lettre l’esprit de groupe et en tout temps est allé consulter les siens sans jamais prendre d’initiative personnelle. C‘est si vrai que l’attaché de presse a signifié dès le départ que les questions à lui poser devaient se limiter à la cause à défendre et non pour en faire un portrait personnel.
FAIRE DES GAINS
Vu son nouveau statut de star de la contestation, comment expliquer qu’il ne se soit pas retrouvé lui-même à la table des négociations, lui le plus influent auprès de l’opinion publique? « C’est que la CLASSE avait choisi de nommer des négociateurs autres que moi. En ce qui me concerne, j’étais porte-parole et je le suis resté. » S’il avait voulu, il aurait pu s’opposer à la présence de la ministre Michelle Courchesne à la table des négociations et exiger la présence de Jean Charest. « Nous, au fond, ce n’était pas important de savoir qui se trouvait devant nous. L’idée étant que le mandataire gouvernemental ait des choses à offrir qui aillent dans le sens de nos revendications. Lorsque le premier ministre Charest est venu momentanément nous rencontrer, on s’est dit que ça prenait un tour sérieux. »
Il se trouvait dans la tribune des visiteurs à l’Assemblée nationale au moment de l’adoption de la loi 78. « Ça m’a remué de voir où on en était rendus. » Et dans son ton, il y avait de l’indignation de voir nos droits fondamentaux bafoués de la sorte. Aurait-il été tenté de chahuter dans l’auguste enceinte des représentants du peuple? « De toutes façons, on nous aurait expulsés. Et je me demande si ça n’aurait pas plutôt nui à notre image. » Mais en dépit de son réel esprit citoyen, il y a une chose sur laquelle il n’a eu aucun pouvoir, c’est sur l’image qu’ont les gens de lui. Il a fait preuve d’un cran comme on en voit peu chez nous, prêt à aller même en prison s’il le faut pour défendre ses principes.
Il doit une fière chandelle, tout de même, aux casseurs qui ont troublé le pouvoir en place. Est-ce qu’en toute honnêteté cela a dû le servir un peu pour asseoir son pouvoir? « Bien que j’ai toujours dit que je ne prônais pas la violence, je dois admettre que cela a mis une pression considérable. » Au moment d’écrire ces lignes, quel que soit l’issue du conflit, on a l’assurance qu’on n’aura pas fini d’entendre parler de Gabriel Nadeau-Dubois. Serait-il tenté par la politique? « Pas vraiment. C’est certain que vais continuer à m’engager dans la vie publique. Ce sera sans doute davantage au sein de mouvements sociaux, qui sont de plus efficaces agents de changements sociaux que les partis politiques. »Â
Source : LaMetropole.com
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