Aujourd’hui marque le 70e anniversaire d’une école unique en Amérique du Nord : le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec.
Le 1er mars 1943, un an après que le gouvernement d’Adélard Godbout ait institué la loi constitutive de l’institution, le Conservatoire ouvrait les portes de son premier établissement à la bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal, réalisant le rêve de son plus ardent promoteur et premier directeur, le pianiste et chef d’orchestre Wilfrid Pelletier. Cet artiste, parmi les plus grands musiciens de son temps, voulait permettre aux talents musicaux du Québec de se développer et de rayonner.
Constatant la pénurie de musiciens d’expérience, il avait décidé d’user de son influence pour susciter la création d’un Conservatoire comme il en existait à Paris, à Bruxelles et à Bologne, appuyé en cela par des collègues convaincus. Il y avait déjà plus de 60 ans que des musiciens chevronnés demandaient en vain qu’une telle institution nationale soit créée. Calixa Lavallée, l’illustre compositeur du Ô Canada, l’avait lui-même désiré ardemment sans succès. La création de cette institution marquait l’affirmation et le désir des artistes d’ici de voir se déployer leur talent.
La première équipe de professeurs comptait notamment, outre Wilfrid Pelletier, Claude Champagne, qui en était
également directeur adjoint, Gabriel Cusson, Isabelle Delorme, Maurice Onderet, Louis Bailly, Jean Belland, Roland Gagnier, Hervé Baillargeon, Réal Gagnier, Joseph Moretti, Auguste Descarries, Germaine Malépart, Edmond Trudel, Georges-Émile Tanguay et Jean Vallerand. De plus, grâce à
sa relation d’amitié avec Arturo Toscanini, Wilfrid Pelletier a pu compter sur
des musiciens de l’Orchestre de la NBC pour venir diriger les classes
d’instruments. Parmi eux : le violoniste Daniel Guilet, le trompettiste Bernard
Baker, le corniste Harry Berv, auxquels les membres d’autres orchestres réputés
vinrent se joindre, dont le hautboïste Bruno Labate, le bassoniste Simon Kovar,
le timbalier Saul Goodman et le tromboniste Charles Gusikoff.
Fidèle à la tradition des grands conservatoires européens,
l’enseignement prévalant au Conservatoire allait se caractériser par un certain
nombre de traits considérés, au fil des ans, comme des valeurs essentielles.
Parmi ces traits, notons qu’en musique, on assure une formation professionnelle
continue, du début à la fin du parcours, c’est-à-dire du niveau primaire au
niveau universitaire, et qu’en art dramatique on offre le niveau supérieur,
d’équivalence universitaire. Dans les deux cas, on valorise la relation
maître-élève et un accompagnement personnalisé. Ajoutons que le Conservatoire
choisit les candidats pour sélectionner les plus prometteurs, que les
promotions, d’un grade à l’autre, se fondent sur l’excellence et que la
formation y était entièrement gratuite jusqu’en 1996. Le Conservatoire prête
des instruments aux élèves qui n’en ont pas.
Aujourd’hui, le Conservatoire se compose de neuf établissements, sept en
musique et deux en art dramatique. En janvier 1944, on assistait à l’ouverture
du Conservatoire de musique de Québec, dont Wilfrid Pelletier assura également
la direction, tout en continuant sa carrière exceptionnelle. Il aura fallu
attendre encore dix ans pour que le volet théâtre de l’institution soit mis sur
pied. Le 13 décembre 1954, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal
accueillait sa première classe, 12 garçons et filles qui allaient apprendre le
métier sous la direction de Jan Doat. Généreux et audacieux, Doat fut le
premier d’une série de directeurs de grande compétence qui ont contribué à
écrire les plus belles pages de l’histoire du Conservatoire de Montréal. Jean
Valcourt succéda à Jan Doat en 1957. Grâce à ses efforts, Québec obtenait à son
tour, en 1958, son Conservatoire d’art dramatique. À l’instar de la section
musique, la section art dramatique met l’accent sur l’élève et
l’accompagnement. Dans cette institution, on peut aujourd’hui apprendre aussi
la scénographie et à la mise en scène.
Au cours des années 60, dans les écoles d’art, la Révolution tranquille
se vit pour ainsi dire aux premières loges. Le Conservatoire connaît une phase
d’ébullition. De jeunes artistes à la recherche de nouveaux modes d’expression
occupent la scène et insufflent à notre dramaturgie un dynamisme
extraordinaire. Plusieurs élèves en musique utilisent leur formation classique
comme tremplin pour entreprendre une carrière dans le jazz, la chanson
populaire ou la musique de film. Oscar Peterson et François Dompierre furent de
ceux-là. C’est aussi à cette époque que le Conservatoire choisit d’étendre sa
présence partout au Québec.
En 1964, les établissements de Trois-Rivières et de Val-d’Or ouvrent leurs portes, avec à leur tête des musiciens-professeurs qui ont profondément marqué leur coin de pays : Edgar Davignon à Val-d’Or et Czeslaw Kaczynski à Trois-Rivières. En 1967, c’est au tour de Gatineau d’avoir son Conservatoire. Dès le début, il connaît un grand succès ; la même année, il est suivi de Saguenay. En 1973 naît Rimouski, le plus jeune des établissements, qui relève le défi d’assurer un enseignement supérieur à la très grande région de l’Est maritime du Québec. Enfin, le 31 mars 2007, le Conservatoire devient une corporation et acquiert une autonomie administrative adaptée à sa mission, tout en préservant ses valeurs essentielles.
En 70 ans, le Conservatoire de musique et d’art dramatique a fait partie du parcours des Yannick Nézet-Séguin, Jacques Lacombe, Jean-Marie Zeitouni, Alain Trudel, Jean-François Rivest, pour parler des chefs d'orchestre. Nous pourrions aussi parler de la violoniste Angèle Dubeau, de la contralto Marie-Nicole Lemieux, de la claveciniste et animatrice Catherine Perrin ou des compositeurs Jacques Hétu et Claude Vivier, qui ont tous étudié au Conservatoire. Nous pourrions enfin ajouter que nos étudiants s’illustrent dans les grands concours et que seulement cette année, à 19 ans, Jean-Michel Dubé a remporté le Grand Prix du Concours de musique du Canada dans la catégorie 19 à 30 ans; que Xiaoyu Liu a remporté le Grand Prix du Concours OSM Standard Life et que Victor Fournelle-Blain, élève au Conservatoire de musique de Montréal jusqu’en 2011, a remporté le Prix d'Europe.
Quant à l’art dramatique nous pourrions nommer Raymond Cloutier, Marie Tifo, Luc Picard et Lorraine Pintal, sans oublier Robert Lepage, qui fait un pont magnifique entre la musique et le théâtre, ou Évelyne Brochu qui prête sa voix et ses traits à Chloé dans le film Inch'Allah d’Anaïs Barbeau-Lavallette, qui remportait le Prix FIPRESCI au Festival du film de Berlin la semaine dernière.
Le Conservatoire profite de cet anniversaire pour en souligner un autre, celui de son premier élève de chant, qui fut aussi son premier « dropout », monsieur Joseph Rouleau (né le 29 mai), qui quitta le Conservatoire pour entrer en résidence au Royal Opera House de Londres, à Covent Garden. Bonne fête !
Source : LaMetropole.com
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