Maintenant que j’ai capté votre attention, je vous rassure immédiatement: non, le nouveau premier ministre canadien, Justin Trudeau, n’a pas l’intention de faire pousser de substances illicites sur le toit du 24 Sussex. Mais, avouons-le, l’allusion était facile, étant donné son intention de légaliser la marijuana. Néanmoins, l’essence de mon propos réside dans les potentielles rénovations à faire à la résidence officielle avant qu’elle ne soit habitable. Et si ces rénovations passaient par une restauration écologique majeure?
 
Entre l’élection du 19 octobre dernier et l’assermentation du 4 novembre, des chiffres assez mirobolants ont été avancés. On parle d’au moins 10 M$ pour rendre la célèbre demeure habitable. Et cette évaluation date de 2008. Il y a donc fort à parier que le budget soit révisé à la hausse. Certains ont décriés cette option, affirmant plutôt qu’une démolition totale et une reconstruction seraient plus raisonnables et réalistes, en termes de fonds publics utilisés. Il faut toutefois mettre un bémol sur toute la question. On parle  d’une évaluation marchande de 7,5 M$ (selon le blogue immobilier américain Movoto).


Projet rénos de 2011 / Photo: thestar.com

Toutefois, pour Clarence Sheahan, courtier immobilier chez Re/Max Metro City Realty, à Ottawa, cette évaluation est des plus farfelues. « À lui seul, le terrain de 173 369 pieds carrés, sans compter sa position en bordure d’eau, vaut entre 15 et 20 M$. Il est clair que cette propriété est nettement sous-évaluée. Des travaux d’une envergure encore plus importante pourraient être envisagés sans problème, en autant que le tout soit dépensé intelligemment ». Considérant l’historique de l’édifice, construit en 1868 par le député Joseph Merrill Currier pour son épouse, c’est bien peu pour une résidence officielle.

À titre comparatif, Movoto évalue la Maison Blanche à 110 M$. On le constate donc, sa valeur marchande, faute de rénovations adéquates, est fixée sous son évaluation foncière (9,673 M$) qui, comme on le sait, est généralement inférieure à celle du marché et ce, même à Ottawa. Et si les 10 ou 15 M$ nécessaires pour les travaux de rénovation ne faisaient que ramener la résidence officielle à sa juste valeur marchande? Qui plus est, il ne faut pas négliger l’aura historique du 24 Sussex qui, au fil des ans, a accueilli bon nombre de dignitaires. Elle fait indéniablement partie de l’histoire de notre jeune pays et c’est pourquoi il est, selon moi, préférable de rénover cette propriété qui appartient à tous les Canadiens plutôt que de songer à démolir et reconstruire.



PROFITER DE L’OCCASION

Il semblerait que l’édifice ne soit même pas doté d’un système de climatisation central adéquat. Les infiltrations d’air, dues principalement à la désuétude de la fenestration, les infiltrations d’eau et la moisissure en font un immeuble des plus énergivores et, disons-le, assez risqué côté santé. On comprend dès lors aisément pourquoi les Trudeau ont choisi d’habiter tout près, à Rideau Cottage, résidence située sur les terrains de Rideau Hall, où s’élève la résidence du gouverneur général. Entre autres travaux requis, le rapport émis en 2008 faisait notamment état de la nécessité d’ouvrir les plafonds et les murs intérieurs de la résidence pour y installer de nouvelles conduites d’air, installer un système de gicleurs d’incendie et retirer les matériaux toxiques comme l’amiante.



À titre indicatif, en seuls coûts de chauffage, le 24 Sussex a représenté une dépense de plus de 69 000$ en 2012 pour une superficie habitable d’un peu moins de 12 000 pieds carrés. Dans un contexte où les questions environnementales sont sur toutes les lèvres, et sachant que l’immobilier représente une part très importante des émissions de CO2 au pays, il semblerait logique qu’on profite de l’occasion pour « verdir » la résidence officielle, la rendre compatible à une certification LEED (Leader in Energy and Environmental Design) du même souffle. Selon moi, cette avenue devient un incontournable, en raison des positions environnementales du nouveau premier ministre canadien, qui sera dès la fin du mois à Paris pour assister à la conférence annuelle sur l’environnement.


De plus, on ne parle pas ici de petits travaux pour rendre la résidence officielle plus coquette. En manque flagrant d’entretien depuis les six dernières décennies, des investissements majeurs, visant le long terme, s’imposent. Le 24 Sussex a été laissé à lui-même pendant toutes ces années. Selon Laurence Desrosiers, d’Écohabitation, « La certification LEED est principalement accordée aux constructions neuves. Toutefois, elle pourrait aussi être attribuée dans le cas d’une rénovation majeure complète à neuf (dégarnissage, reconstruction touchant à l’étanchéité et l’isolation du bâtiment), selon le même système de pointage. Mais même sans aller jusqu’à la certification LEED, il est tout de même possible d’apporter des améliorations au bâtiment qui pourraient éventuellement permettre une meilleure efficacité énergétique et donc, des économies de chauffage importantes. »



Songez un instant à votre situation personnelle. Vous faites l’acquisition la plus importante de votre vie et vous laissez le tout aller, prendre de l’âge et s’éloigner, année après année, du marché, en termes de valeur. Loufoque, direz-vous? Pourtant, c’est la malheureuse stratégie que certains propriétaires adoptent. Au fil d’arrivée, ils ne peuvent que s’en mordre les doigts. Un tel laisser-aller entraîne bien souvent un coût économique, qu’un entretien et une mise à niveau réguliers éviteront sans l’ombre d’un doute.

À l’instar de la Maison Blanche, du 10 Downing Street (Londres), ou encore de l’Élysée (Paris), le 24 Sussex est l’image de notre pays, de son dirigeant, mais surtout de sa chaleur à accueillir les représentants d’autres pays. Il est donc de mise qu’il soit remis à niveau et, en préconisant une approche environnementale, voire LEED ou écoénergétique, nous ferions image de pionniers auprès des autres pays industrialisés. Y incorporer une forme d’énergie renouvelable, telle la géothermie, le solaire ou l’éolien par exemple, m’apparaît tout indiqué dans la situation. L’avenir est là et l’on se doit de créer l’exemple, mais surtout de revenir à des bases environnementales solides.



Comme il s’agit de ma dernière chronique avant la fin de 2015, j’aimerais vous souhaiter, chers lecteurs et internautes, de très Joyeuses Fêtes et une année remplie de joie, d’amour et de prospérité! Au plaisir de vous retrouver l’an prochain.

MÉLISSA MENSING

Détentrice d’un baccalauréat en Criminologie de l’Université de Montréal, Mélissa a d’abord œuvré dans ce domaine quelques années avant de se joindre au réseau immobilier. Son professionnalisme, sa détermination, son amour du détail, sa franchise et son sourire remarquable séduisent à coup sûr. Passionnée par l’immobilier, Mélissa a développé une excellente connaissance du marché depuis près de 14 ans.

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