Jeudi, 14 juin 2012

COMMISSION DE LA CONSTRUCTION: DUCHESNEAU A EU PEU DE MOYENS

Durant les premiers mois du travail de son Unité anticollusion en 2010, Jacques Duchesneau trouvait qu'il avait bien peu de moyens: pas de bureaux, pas de budget pas de cartes professionnelles, même. Au point où la tension a monté et qu'il a dû écrire une lettre de 10 pages pour se plaindre.

 

Et cette lettre évoquait trois options, dont son départ de l'unité où il était arrivé depuis quelques mois seulement, a-t-il témoigné, mercredi, devant la Commission Charbonneau sur l'industrie de la construction. "On sentait qu'il y avait une tension qui montait, ça n'avançait pas au rythme où on voulait que ça avance. Malgré l'arrivée des enquêteurs le 12 avril, on n'avait toujours pas de moyens. On n'était que des citoyens qui allaient poser des questions aux gens", a relaté l'ancien chef de l'Unité anticollusion.

Il a raconté qu'il n'avait jamais eu de budget de fonctionnement en 18 mois. Durant les premiers mois, son équipe n'avait même pas de bureau  elle devait "squatter" les bureaux du sous-ministre des Transports , et certains enquêteurs devaient travailler depuis leur domicile. Quand ils se rendaient sur les chantiers de construction pour vérifier comment les relations avec les entrepreneurs se passaient, les enquêteurs de son Unité n'avaient même pas de carte professionnelle.

Dans sa lettre de plainte au sous-ministre des Transports  le ministère auquel son unité était rattachée au départ , il se plaignait d'un "mandat flou", d'un manque de coopération du ministère, de n'avoir "aucun droit de parole". "On n'avait pas d'outils", a-t-il relaté à la commission. "On ne va nulle part", alors que "la pression se fait importante pour qu'on livre". Il a aussi découvert une directive d'un sous-ministre des Transports, mais non du ministre, invitant les employés à ne pas lui parler. Il affirme toutefois que la directive a été changée après qu'il s'en soit plaint.

M. Duchesneau a pu obtenir que des pouvoirs de commissaire-enquêteur soit octroyés à son équipe, afin d'avoir davantage de moyens pour agir, mais là encore, il a rapporté qu'on lui a tout de suite suggéré de ne pas les exercer, à cause d'un "flou juridique" concernant ces pouvoirs. Après quelques mois, après cette lettre de 10 pages et après avoir réussi à rencontrer le sous-ministre, les choses ont fini par se tasser et le climat de travail est devenu "beaucoup mieux", a témoigné M. Duchesneau.

LETTRE '' INSULTANTE '' 

L'ancien directeur du Service de police de la Ville de Montréal a également relaté que dès les premiers jours après sa nomination, en février 2010, comme chef de l'Unité anticollusion, des gens qu'il identifie "à une instance supérieure", "au niveau politique, mais je ne sais pas de qui ça vient", ont tenté de lui faire signer une lettre, avant même que son contrat soit signé. Dans cette lettre qu'on voulait lui faire signer, il devait notamment assurer qu'il n'avait jamais transgressé les règles électorales lors de son passage en politique municipale à Montréal, une douzaine d'années auparavant. Il devait également certifier qu'il n'avait pas de liens avec des membres du crime organisé.

M. Duchesneau s'est dit "insulté", "jeté par terre", outré qu'on ait ainsi mis en doute son intégrité, en abordant vaguement de tels doutes sur son intégrité dans un affidavit qu'on voulait lui faire signer, après l'avoir nommé publiquement le 23 février 2010, mais avant de lui avoir fait signer son contrat le 19 mars. "A chaque point nouveau qui était amené, je sursautais. J'ai été, vraiment, honnêtement, insulté par la proposition qui était faite, donc j'ai refusé de signer. On faisait des références, des allégations qui étaient totalement fausses et qui étaient indignes. J'ai refusé de signer ça. On a eu plusieurs discussions. Finalement, ça s'est soldé par une lettre que j'ai préparée en réplique à ça."

Il a alors indiqué que si son curriculum vitae imposant en matière de services policiers et de sécurité ne suffisait pas, il s'en irait, tout simplement. M. Duchesneau a dirigé le Service de police de la Ville de Montréal, soit le deuxième plus important corps de police au Canada, de même que l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, en plus d'occuper un poste à Interpol.

"Le sous-ministre m'a dit: 'Écoutes, Jacques, si tu ne signes pas l'affidavit, il n'y a pas de contrat'. Alors, je me suis levé et je me suis en allé. Il m'a dit: 'reviens, on va se parler'. Finalement, l'entente qu'on a eue, c'est que je signerai cet affidavit quand tous les membres du conseil des ministres signeront le même affidavit, et ça me fera plaisir de le signer", a-t-il relaté. Comme compromis, il a finalement prêté le même serment que celui exigé des membres du conseil des ministres.

L'ancien chef de l'Unité anticollusion a également rapporté que les gens, au départ, avaient peur de parler à son équipe, mais que les langues se sont déliées après qu'il les eut assurés qu'il ne formait pas l'escouade policière Marteau, mais une équipe chargée d'identifier les façons de faire  les "stratagèmes". Selon lui, le fait de taire les noms de ces quelque 500 personnes qui ont accepté de parler était une "condition sine qua non" pour qu'elles racontent ce qu'elles savaient ou avaient vu.

On a aussi appris que c'est M. Duchesneau lui-même qui a décidé de rédiger un rapport  ce n'était pas précisé dans son mandat. Fait intéressant, il a aussi souligné qu'à sa toute première rencontre avec la ministre des Transports d'alors, Julie Boulet, il l'a informée, en tant que policier expert du crime organisé, des façons de faire de ce milieu. Il lui a notamment dit que le crime organisé cherchait à "détruire la réputation des gens" qui devenait gênants.

LE MINISTRE HAMAD N'ÉTAIT PAS

                            INTÉRESSÉ PAR SON RAPPORT

Mise à jour le 14 juin 2012 à 21:50

Jacques Duchesneau a affirmé jeudi, à la Commission Charbonneau, que l'ancien ministre des Transports Sam Hamad n'était même pas intéressé par son rapport choc sur la collusion dans l'industrie de la construction, quand il le lui a présenté, le 1er septembre 2011, avant qu'il soit rendu public. Il ne voulait même pas y toucher.

Au cours de la deuxième journée de son témoignage, jeudi, l'ancien chef de l'Unité anticollusion du ministère des Transports a raconté que son rapport avait été accueilli froidement par le ministre Hamad, qui ne l'écoutait même pas quand il le lui présentait verbalement, à son bureau. «Quand mon adjoint, monsieur Bélanger, a voulu lui donner une copie des rapports, il n'a pas parlé beaucoup mais son non-verbal... il ne voulait pas le voir! Là, il s'est reculé, puis a dit 'je ne veux pas le voir, le rapport, mes adjoints vont s'en occuper'. Et c'est de même que la réunion s'est terminée», a rapporté M. Duchesneau.

Il lui a tout de même laissé quelques copies de son rapport, qui traite de la collusion entre les firmes de génie, les entreprises de construction et le financement des partis politiques. «On n'est pas reparti avec les copies qui appartenaient au ministère. Lui n'a pas voulu mettre ses empreintes digitales dessus, là, mais il avait ça devant lui», a relaté M. Duchesneau. Il a compris, lors de cette rencontre, qu'il valait mieux ne pas élaborer sur le chapitre portant sur le financement des partis politiques devant le ministre Hamad. «J'y ai fait allusion, mais j'ai compris qu'on était mieux de passer à d'autre chose. Ça a toujours été, bien évidemment, un sujet épineux, avant et après la rencontre avec monsieur Hamad», a commenté M. Duchesneau.

Après cet accueil glacial, il était convaincu que son rapport serait relégué aux oubliettes, ce qui le frustrait énormément. «Les membres de l'équipe, nous n'avons pas fait ce travail pour que ça aille sur une tablette. Après ma rencontre avec le ministre Hamad, j'étais convaincu que c'était pour aller sur une tablette. Je parlais au nom d'à peu près 500 personnes. Moi, je sais les engagements qu'on avait pris auprès de ces personnes. Il n'en était pas question que ça s'en aille sur une tablette!» Jacques Duchesneau voulait que son travail serve à quelque chose. Il a donc décidé de refiler lui-même son rapport final à une journaliste, qui s'apprêtait de toute façon à sortir la version préliminaire.

Il décrit ainsi l'attitude selon lui indifférente du ministre Hamad, lorsqu'il lui faisait une présentation verbale de son rapport: «J'ai tenté de faire une présentation. Ça s'est déroulé vite; ce n'était pas la saveur du jour. J'ai commencé ma présentation, pour m'apercevoir, un moment donné, qu'il n'écoutait même pas. Je n'ai pas été impressionné par la réception que j'ai eue du ministre. En fait, je n'ai pas senti que ça l'intéressait. Quand je m'adresse à vous, vous me regardez, je sens une interaction, mais si je commence à vous parler et que vous regardez s'il fait beau dehors, ça enlève de la concentration. Et je le lui ai dit».

STRATAGÈMES

Plus tôt dans la journée, jeudi, M. Duchesneau s'était rappelé qu'au fil des enquêtes, son équipe avait identifié 66 stratagèmes permettant de contourner les règles d'octroi des contrats dans la construction. Mais il a corrigé le tir dans son témoignage, en évoquant «plus d'une centaine de stratagèmes». Des entrepreneurs au départ honnêtes sont plus ou moins contraints de respecter «la règle», a-t-il dit. Si un entrepreneur dépose une offre pour un projet quand d'autres lui disent de ne pas le faire, il va en payer le prix.

M. Duchesneau a cité le cas d'entrepreneurs qui ont été menacés physiquement et battus, ou d'autres qui ont été «asphyxiés de façon économique». Par exemple, certains avaient besoin d'une garantie financière mais soudainement, leur compagnie d'assurances ne voulait plus les couvrir. Dans d'autres cas, des paiements à un entrepreneur étaient retenus parce qu'il ne manquait que quelques mètres de tourbe pour terminer un chantier. Ce dernier ne pouvait alors plus payer ses employés.

«Tout le monde dans le milieu de la construction est, un jour ou l'autre, obligé de jouer selon les règles édictées par d'autres», a-t-il témoigné.

AUTRE MENACE DE DÉMISSION


Plus tôt dans son témoignage, jeudi, M. Duchesneau a révélé qu'il avait menacé de démissionner une autre fois de son poste, à la fin de 2010, cette fois après que le milieu politique soit devenu frileux, à la suite de reportages laissant planer des doutes sur son intégrité lors de son passage en politique municipale. Il a exprimé sa lassitude de voir ce qu'il appelait «une vieille histoire» revenir ponctuellement dans l'actualité pour laisser planer des doutes sur le financement de sa campagne électorale municipale en 1998.

Quand le réseau TVA et le Journal de Montréal ont ressorti cette histoire, il a été convoqué au ministère, où le ton a monté. Après un échange qu'il a qualifié de «musclé», on lui a dit qu'on voulait le suspendre. Il a juré qu'il n'avait rien à se reprocher, mais ses interlocuteurs répliquaient que c'était une question de perception. Ensuite, M. Duchesneau a affirmé que c'est le cabinet du premier ministre qui a voulu le suspendre. Encore une fois, il a juré de sa probité. «J'ai dit: 'je n'ai rien à me reprocher et vous ne me suspendrez pas, sinon je vais démissionner et faire ma propre conférence de presse'.»

Finalement, il a invité le ministre à demander au Directeur général des élections de faire enquête sur ces allégations. L'enquête a duré trois mois son «purgatoire». Il est revenu à l'Unité anticollusion en février 2011, après avoir été blanchi par l'enquête du DGE. La Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction fait relâche ce vendredi. Le témoignage de M. Duchesneau se poursuivra lundi et toute la semaine prochaine.

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