Mercredi, 31 août 2016

KAMOURASKA, CALME ET BEAUTÉ

Vue du belvédère de Saint-Pacôme / Photos: Fil Rouge, Musée québécois de l'agriculture et de l'alimentation, Camille Paradis, Alain Clavet

Kamouraska évoque d’abord le célèbre roman d’Anne Hébert, publié en 1971. Ce roman est ensuite adapté au cinéma par Claude Jutra* en 1973, avec la musique d’André Gagnon.

 

 

Ce film nous entraîne dans les péripéties du meurtre d’un mari gênant. Le Dr Georges Nelson, amant d’Élisabeth d’Aulnières2, tue Antoine Tassy, mari d’Élisabeth et seigneur de Kamouraska. La scène de carriole l’hiver, où le Dr Nelson franchit furieusement la distance de Sorel à Kamouraska pour assassiner le seigneur Tassy, permet de vivre par l’imaginaire les grands espaces de glace, de vent et de froid des hivers québécois du 19e siècle.

Saint-Pacôme de Kamouraska est aussi le village natal du pianiste-compositeur André Gagnon et le célèbre écrivain franco-américain et pape de la Beat generation3 Jack Kerouac.4 La maison natale d’André Gagnon est d’ailleurs située sur la rue Bégin, tout près de l’église de Saint-Pacôme. Cette magnifique église de bois, dotée d’un orgue à tuyaux Casavant, devrait obtenir un statut patrimonial afin d’aider à sa préservation.  

Le presbytère est devenu, depuis quinze ans, l’auberge Comme au Premier Jour.5 Cette auberge chaleureuse, 4 étoiles, propriété de Jean Santerre et Doris Parent, offre non seulement un confort douillet, mais aussi une excellente table, ouverte au public, pour le repas du soir, le brunch et les réceptions. Doris et Jean sont des passionnés et des perfectionnistes : Doris cuit les pains tous les matins et prépare les confitures et Jean assume, avec talent, la cuisine. Je vous recommande le gaspacho et la salade du Kamouraska en entrées et l’agneau de l’agnellerie de Kamouraska braisé au cumin et porto, ou encore l’assiette de l’auberge composée, salades, jambon braisé, saucisson sec et poissons fumés de Pêcheries Ouellet, le tout bien accompagné d’un Saint-Chinian, Domaine La Croix d’Aline 2014.

Pas étonnant que l’auberge ait reçu le grand prix du tourisme québécois, lauréat national or, dans la catégorie hébergement gîte 2014. Les auberges des régions au Québec sont souvent le fruit d’une histoire d’amour. Vous sentirez cet amour du patrimoine, de la gastronomie du terroir, de l’histoire et de la culture de Kamouraska à l’auberge Comme au Premier Jour. Je vous recommande vivement la chambre de l’évêque, aujourd’hui appelée, Wow!6   Cette chambre en coin, avec trois fenêtres, offre le charme de la campagne et tout le confort moderne. 

Saint-Pacôme offre une superbe vue du belvédère, situé près de l’église. Du promontoire, toute la région s’étend à nos pieds de La Pocatière à Saint-André. Le fleuve Saint-Laurent domine le paysage et est encadré des montagnes de Charlevoix, côté nord du fleuve.   Le regard s’attarde à la rougeur des tourbières, aux verts des conifères, aux jaunes des champs et aux bleus confondus d’un ciel immense qui tombe dans les marées du fleuve.  

Un arrêt à la bibliothèque de Saint-Pacôme vous permettra d’être initié à l’initiative Fil rouge. Fil rouge trace un circuit patrimonial et historique, documenté par 26 panneaux et une application mobile. Les grandes pages de l’histoire régionale nous sont présentées de façon vivante et imagée. Tout près de Saint-Pacôme, faites un arrêt à la Pommetterie de Saint-Gabriel-Lalemant. Une visite vous convaincra de la richesse des produits du terroir. Cette fabrique artisanale vous offrira des gelées de pommette, des confitures de framboises, des marmelades et des champignons forestiers.

La grande côte de Saint-Onésime vous conduira vers La Pocatière. Cette petite ville est dominée par le Collège de La Pocatière qui est reconnu pour son expertise en agriculture.   Ce collège était un Séminaire qui a formé plusieurs générations de l’élite québécoise.   Le Musée québécois de l’agriculture et de l’alimentation, attenant au collège, nommé en l’honneur de l’abbé François Pilote, fondateur de la toute première école d’agriculture au Canada en 1859, présente une grande collection d’instruments aratoires et reconstitue la vie des habitants de la paroisse rurale des 19e et 20e siècles : le cabinet du dentiste, l’atelier du ferblantier et les carrioles qui rappellent le film Kamouraska. La rue principale, coquette et fleurie, offre tous les services, dont les Pâtisseries et Gourmandises d’Olivier.

En plus d’offrir d’excellentes viennoiseries pur beurre et la crème glacée à base de lait de brebis, Olivier garde le secret de la confection des meilleurs macarons de la région. Le Café Azimut a reçu récemment une étoile au Guide Michelin: « Ce sympathique café fait à la fois office de restaurant et de traiteur. Inspirés de la cuisine du monde, les plats qu’on y sert, notamment les fruits de mer, les grillades, les pizzas fines, les hamburgers et le saumon frais font l’unanimité. »7 Impossible, en effet, de visiter La Pocatière sans faire un arrêt au charmant Café Azimut. Julie Lévesque, la propriétaire, vous accueillera pour l’apéritif au bar ou la terrasse.   Je vous recommande la salade de cuisse de canard confit, un vrai régal et, pourquoi pas, en entrée, une spécialité locale, des accras à l’anguille?  

Votre voyage se poursuit sur la 132 est, vers Kamouraska. Madame Gertrude Madore vous fera visiter le Site d’interprétation de l’anguille de Kamouraska où vous apprendrez l’art de cette pêche qui exige beaucoup d’énergie et de savoir-faire.   Les pièges et les filets pouvaient recueillir jusqu’à mille anguilles à une certaine époque. Les barrages d’Hydro Québec sont des obstacles infranchissables pour ces valeureux poissons qui font tout le trajet de la mer des Sargasses pour se reproduire dans les Grands Lacs. Espérons que les passes aménagées depuis quelques années favoriseront le retour en force de ce délicieux poisson.  

Un voyage au Bas-Saint-Laurent ne saurait être complet sans déguster l’anguille fumée.  Kamouraska offre aussi d’excellents restaurants, dont celui à l’Auberge des îles de Rita Lévesque et Yves Desbiens. L’auberge offre une vue superbe sur Charlevoix et des couchers de soleil exceptionnels. Ne ratez pas l’occasion de goûter aux spécialités du chef Marcel Dubreuil, dont le gravlax de saumon, les manchons de canard, le lapin à la Saintongeaise et à la brochette de poissons et fruits de mer, le tout bien accompagné d’un L’Ort Del Boso 2009.   

Le bistro de la mer de la poissonnerie Lauzier, fondée en 1996, s’inscrit dans la tradition d’une famille de pêcheurs. Aujourd’hui, la poissonnerie offre un service au comptoir de poissons et fruits de mer locaux tels que le flétan, le homard, l’esturgeon noir, la morue, le saumon, l’éperlan, l’anguille, sans oublier le crabe des neiges, la langoustine, les huîtres et les pétoncles. Les poissons sont fumés à la poissonnerie et la planche de poissons fumés est une entrée remarquable de goût et de couleurs. Avec sa centaine de places, la Poissonnerie Lauzier offre un service de restauration rapide mettant l’accent sur la fraicheur et la qualité des poissons et fruits de mer locaux. 

La Chocolaterie La Fée gourmande suit la tradition des grands chocolatiers français, les chocolats au pur beurre de cacao coupés à la guitare et enrobés de chocolat de qualité supérieure. Le chocolat au caramel à la fleur de sel et celui à la baie rose avec une subtile note piquante et fruitée doivent être dégustés avec lenteur et gourmandise. Camille Paradis est à la fois chocolatière et artiste. Ces œuvres, inspirées des textures marines que l’on trouve en bordure du fleuve Saint-Laurent, sont exposées à la Galerie d’art et décoration Quai no3 située à l’arrière de la chocolaterie. Le Centre d’art de Kamouraska, aménagé dans l’ancien palais de justice, datant de 1888, permet aussi de découvrir des artistes et artisans de talent.

La belle route du fleuve la 132 est nous conduit au village de Saint-André de Kamouraska pour visiter la microbrasserie Tête d’Allumette.8  Cette microbrasserie est unique au Québec, car elle utilise uniquement le bois pour la cuisson du moult. Cette technique permet la confection de bières selon les recettes originales de Martin Desautels, copropriétaire et brasseur. Je vous invite à profiter de la magnifique terrasse qui donne un large point de vue sur le fleuve et à déguster quatre de ses créations : la Zizane, la Tête carrée, l’Apache et la Tête de Houblon.

Kamouraska, c’est la porte du Bas-Saint-Laurent qui s’étend jusqu’à Sainte-Flavie, où débute la Gaspésie. À quatre heures de route de Montréal, vous trouverez dans la région de Kamouraska, le calme, la beauté des paysages et des maisons et l’accueil d’un peuple fier de sa gastronomie et de son histoire. Le dépaysement près de chez soi et réglé en dollars canadiens, qui dit mieux?

_____________________________________________________________

1 Wow.  Un classique de Claude Jutra, film de l’ONF sur la jeunesse québécois des années 60
2  Jouée par Geneviève Bujold.
3 « La Beat generation est un mouvement littéraire et artistique qui a fortement inspiré la jeunesse et qui s’est manifesté par la libération sexuelle, l’opposition à la guerre du Vietnam et les hippies de Berkeley et de Woodstock. » Tiré du panneau Fil Rouge sur Jack Kerouac d’une entrevue par Pierre Nadeau, New York, 1959.
4 Entrevue de Jack Kérouac (1922-1969), auteur de On the Road, à la télévision de Radio-Canada
5 Ce nom fait honneur à la pièce musicale d’André Gagnon du même nom
6 La pièce musicale WOW ! d’André Gagnon
7 Le Guide Vert Michelin Québec.   Côte du Bas-Saint-Laurent, p. 6 et 7.   Édition 2016.
8 Présentation de la microbrasserie Tête d’Allumette

Kamouraska
La porte du Bas-Saint-Laurent
À visiter,
Pour son calme et sa beauté
Cet article est classé sous :Kamouraska Alain Clavet
ok