SOUFFRANCE DESTRUCTRICE

 

Selon moi, la pire de toutes est la douleur intérieure, qui ne peut être soignée avec un simple pansement. Cette souffance intérieure, tout un chacun la vit. Certains n'en souffrent que partiellement et temporairement, mais d'autres comme moi et des millions d'autres, devont la subir jour après jour et jusqu'à la fin de nos jours.

J'ai perdu mon père il y a maintenant presque 10 ans, alors que j'avais à peine 13 ans. Nous avions plein de projets ensemble, dont le plus trippant était d'aller vivre chez lui. Mon père était mon modèle, mon confident, et j'étais mille fois plus proche de lui que de ma mère.

Le 22 décembre 2004, en revenant d'une journée de concerts avec l'harmonie de mon école, ma mère me fait asseoir et m'annonce que mon père s'est pendu vers 5h am le matin même, et qu'elle avait attendu avant de m'en parler pour ne pas gâcher ma journée de concerts.

Ma première réaction fut le déni. Je croyais à une blague, je ne pouvais croire que mon père, que je voyais comme un héros, puissent être mort. Deux jours plus tard, le 24 décembre, j'ai ressenti cette douleur une première fois, lorsque l'on célébrait à l'église les funérailles de mon papa adoré.

Cette douleur revint régulièrement par la suite; au début assez rarement. Mais à force de réfléchir et de me questionner, elle devint de plus en plus courante, jusqu'à devenir réccurente et quotidienne. Au début je la vivait intérieurement, mais elle paraissait tout autour de moi de manière évidente.

Mes résultats scolaires ont chuté, j'ai fait vivre le calvaire à ma mère pendant des années en faisant tout inconsciement pour la provoquer et attirer son attention vers ma douleur intérieure.



Ceci continua jusqu'à mes 16 ans, année au cours de laquelle je quittai le nid familial pour voler de mes propres ailes à la suite d'une dispute qui fut la goutte qui fit déborder le vase. Cette douleur quotidienne, elle était toujours présente et insistante, mais cette fois, sans la présence de mon frère pour l'apaiser. S'ensuit donc la recherche inconsciente d'anesthésiants plus puissants. Ce rôle fut d'abord joué par la cigarette et ce petit buzz provoqué lorsque le cerveau reçoit la nicotine et qu'il n'y est pas habitué.

Assez rapidement, ce mini-buzz s'estompa, et le rôle d'anesthésiant fut joué par le pot, la "peanut" et autres drogues chimiques. Jusqu'au matin où j'en avais plein le cul de toute cette merde. J'ai donc tout arrêté du jour au lendemain, sans aucune aide extérieure.

Malgré tout les moyens pour geler cette douleur, elle ne faisait que dormir et se réveiller. Elle ne pouvait disparaître car la plaie restait vive. Jusqu'au moment où j'ai laissé le temps faire son travail.

La douleur devint moins vive, jusqu'à devenir beaucoup moins présente. Elle ne disparait jamais complètement, mais elle nous laisse de grands moments de répit et réapparaît temporellement, lors de moments difficiles un peu comme une vieille blessure au genou qui nous titille lors des journées humides.

Je vous ai livré mon récit dans le but simple de vous montrer que la douleur intérieure, vécue par énormément de gens, peut être dévastatrice. Les moyens pour endormir cette douleur sont multiples: la drogue, l'alcool et même l'automutilation. Ces moyens ne sont que temporaires et finissent souvent par nous détruire et renforcer la douleur.

La solution pour cesser de souffrir est simple: parler. Parler de ce que l'on ressent ne peut que nous aider à évacuer le trop-plein et nous aider à prendre du recul pour mieux panser nos plaies.

Les ressources sont multiples: un parent, un ami de confiance, un psychologue. Peu importe vers qui vous vous confiez, l'important est de ne pas souffrir en silence et verbaliser ce que l'on ressent.

CHRISTOPHER GAGNON

PKP, PQ et QUÉBECOR