D’abord j’étais aux premières loges pour avoir très bien connu la famille Péladeau, puisque ma mère a été une des compagnes de Pierre Péladeau. J’ai donc vécu deux années à la maison familiale de Sainte-Adèle, sur le chemin Sainte-Marguerite, qui porte maintenant le nom du fondateur de l’empire Québecor. Elle vivait encore à la maison avec ses frères et sa sœur. Elle ne l’a pas eu facile. D’abord il faut rappeler que sa mère, Raymonde Chopin, avait mis fin à ses jours dans une clinique en Suisse.


Pierre Péladeau et sa première épouse Raymonde Chopin avec Isabelle, Érik et Pierre-Karl en 1965, quelques temps avant la naissance d’Anne-Marie.


Pierre Péladeau, père d'Isabelle Péladeau et fondateur de l'empire Québecor.

Et cela l’a stigmatisée profondément. Ensuite elle devait composer avec un père tyrannique. Elle avait un nom de famille, certes, mais il fallait qu’elle se fasse un prénom. Un très lourd fardeau. Lorsque plus tard elle travaillait pour les hebdos du conglomérat, il n’était pas rare que le paternel l’appelle aux petites heures du matin pour modifier la Une d’une des publications. Ce qui mettait en rogne Isabelle, qui ne voyait plus de partage entre vie privée et vie personnelle. Le père bousculait tout sur son passage.


La maison familiale de Sainte-Adèle, sur le chemin Sainte-Marguerite , qui porte maintenant le nom de chemin Pierre Péladeau.

ELLE LUI RESSEMBLAIT LE PLUS

Farouche défenseuse de son intégrité, Isabelle ne se gênait pas pour affronter son père. Ce qui a donné lieu à des crises mémorables. Mais au fond de lui-même, je crois que Pierre P. l’aimait énormément; mal, oui, mais il ne savait nullement comment exprimer ses sentiments. Il lui reconnaissait des bribes de son propre caractère. Et par rapport aux autres enfants c’est celle qui lui ressemblait le plus. De temps à autre il tentait de se racheter par des cadeaux princiers, comme lorsqu’il lui offrit une voiture. C’était un cadeau de Grec, bien sûr, avec des exigences en toile de fond.



Quand il mourra, Isabelle prendra ses distances avec ses frères, qui manifestement ne souhaitaient pas trop la voir siéger sur le conseil d’administration de Québecor. Elle était très proche de sa sœur Anne-Marie, tristement célèbre pour ses graves problèmes de consommation. Cela aussi l’a marquée durablement. Une qui souffre plus que toute autre de cette disparition tragique c’est Daphné, la fille de son frère Érik. D’ailleurs, la dernière fois que j’ai rencontré Isabelle, c’était au mariage de cette dernière. Elle semblait beaucoup plus zen.


La famille de Pierre Péladeau: Anne-Marie, Isabelle, Marie-Pier (fille d'Anne-Marie), Esther, Simon-Pierre, Érik, Daphné et Didier (enfants d'Érik) et Pierre-Karl. Il manque ''Petit Jean'' sur la photo.

Mais derrière cette solidité apparente, il y avait tout de même une fragilité manifeste. Je retiens au final l’image d’une femme forte en regard de tout ce qu’elle a dû surmonter et qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. Généreuse, elle a créé une fondation et se consacrait à l’amour des siens. Dommage que la mort l’ait rappelée si tôt. Elle aurait eu sans doute de belles années devant elle. Son départ tragique nous rappelle qu’en dépit de notre fortune, nous sommes tous égaux devant  la mort. À sa famille immédiate et à ses proches, j’offre mes profondes sympathies. Isabelle demeurera dans mon cœur plus qu’un souvenir.

ISABELLE PÉLADEAU MEURT NOYÉE