Notre créateur à la barbe hirsute et avec cette voix caverneuse qui nous fait tous frémir ne compte pas le mot peur dans son vocabulaire. En 1996 il s’en prenait à Cinar, qu’il accusait d’avoir plagié son œuvre « Robinson Curiosité » qui se trouvait encore sur sa planche à dessins. Ce n’est que le 23 décembre dernier que la Cour Suprême a confirmé que l’auteur avait été floué et fixait le montant qu’il était en droit d’exiger de Cinar, France animation, Ravensburger film et RTV, au total 4,4 M$.

UNE DEMI-VICTOIRE

Une demi-victoire dans les faits, car oui on le consacre comme l’unique créateur et on détermine son dommage financier, mais c’est à lui maintenant de collecter ses fourreurs. Une autre saga à venir. C’est pour ça que Robinson s’est abstenu de commenter et surtout de ne pas lever les bras en guise de victoire. Le journaliste Daniel Leduc, de Radio-Canada, est revenu sur la chronologie des événements :

UNE SAGA DE 18 ANS!

À l’automne 1999, Radio-Canada révélait que l’entreprise avait utilisé des prête-noms pour obtenir des subventions et des crédits d’impôt d’Ottawa et de Québec.

Au printemps de 2000, une enquête de vérificateurs indépendants leur a permis de découvrir que 122 M$ US avaient été détournés dans deux entreprises enregistrées aux Bahamas sans l’autorisation du conseil d’administration.



Considéré comme le numéro trois de Cinar, le chef de la direction financière, Hasanain Panju, a été congédié le 6 mars 2000. Peu de temps après, les deux fondateurs ont été écartés de l’entreprise.

• Ronald Weinberg, 59 ans, cofondateur de la firme d’animation
• Hasanain Panju, 58 ans, ex-chef de la direction financière de Cinar
• John Xanthoudakis, 52 ans, ex-président de Norshield Financial Group
• Lino Pasquale Matteo, 44 ans, ex-président de Mount Real

La GRC a effectué des perquisitions. De plus, de nombreuses poursuites civiles ont été intentées contre la compagnie et ses dirigeants.

En 2001, Cinar reconnaît l’affaire des prête-noms et rembourse le fisc. Entretemps, les actions de Cinar sur les bourses avaient fondu comme neige au soleil. Les titres ont finalement été radiés.



Même s’ils n’ont jamais reconnu leur culpabilité, Micheline Charest et Ronald Weinberg ont alors été forcés de démissionner de Cinar.

Des sanctions ont été imposées. Ainsi, Téléfilm Canada a décidé de ne plus financer l’entreprise temporairement. Par ailleurs, Cinar a remboursé des droits d’auteur et des crédits d’impôt qui avaient été obtenus en utilisant des prête-noms.



En 2004, Cinar a été achetée par des investisseurs de Toronto et a été rebaptisée Cookie Jar. Au cours de la même année, Micheline Charest est morte lors d’une chirurgie esthétique.

En 2008, le procès pour plagiat contre Cinar, intenté en 1996 par le créateur Claude Robinson, débute après une longue bataille juridique.



L’année suivante, la Cour supérieure du Québec conclut que Cinar, ainsi que les maisons de production France Animation et Ravensburger, ont volé l’idée originale du créateur en produisant la série télévisée Robinson Sucroé.

Le tribunal de première instance condamne les trois sociétés à lui verser des dommages totalisant 5,2 M$. Invoquant des erreurs de droits, elles portent le jugement en appel.

En juillet 2011, la Cour d’appel du Québec confirme que ces entreprises ont bel et bien plagié l’oeuvre de Claude Robinson, mais elle réduit le montant des dommages accordés à l’auteur à 2,7 M$. Sa longue bataille juridique lui a coûté jusqu’à présent 2,4 M$ en frais d’avocats.

À l’automne 2011, les maisons de production tentent de ne pas verser la somme accordée en appel à M. Robinson, sous prétexte qu’elles pourraient ne pas revoir la couleur de leur argent si elles gagnaient en Cour suprême.

La Cour d’appel les oblige finalement à verser une somme de 3,25 M$ dans un compte en fidéicommis, en attendant que la Cour suprême entende l’affaire. Cinar a versé 750 000$, mais les autres maisons de production n’ont pas versé leur part, qui s’élève à 2,5 M$. Claude Robinson demande à la Cour suprême de forcer la main des producteurs à ce sujet, mais il n’a pas gain de cause.

En mai 2012, la Cour suprême annonce qu’elle entendra la cause de M. Robinson, qui conteste la décision de la Cour d’appel du Québec de réduire le montant des dommages que les entreprises doivent lui verser.

UN CABINET D’AVOCATS EXEMPLAIRE

Voilà pour l’historique de cette sombre histoire. À votre place, auriez-vous eu toute la ténacité de Claude Robinson? Je ne crois pas. C’était une tâche proprement herculéenne. Heureusement, la levée de fonds entreprise auprès de particuliers avait permis d’amasser la rondelette somme de 600 000$, ce qui lui a donné l’opportunité de tenir le coup. De même son cabinet d’avocats n’a exigé à ce jour aucun remboursement d’honoraires tant que l’affaire ne sera pas aboutie, ce qui est tout à leur honneur et rare dans la profession réputée carnassière côté dollars.

Je souhaite de tout cœur que monsieur Robinson puisse entreprendre cet autre volet, qui est cette fois la récupération de son dû. Dire qu’il le mérite est bien en deçà de la vérité.



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