J’ai été le témoin privilégié de cet homme plus grand que nature, puisque ma mère a été sa maîtresse et que j’ai passé plus d'une année à sa résidence de Sainte-Adèle. J’ai pu voir vivre ce personnage au quotidien. Pas reposant le monsieur, c’est certain. Mais mon Dieu ce qu’on apprenait à le côtoyer. C’était comme suivre une classe de maître. Plus tard, quand ma mère éprouvera de sérieux ennuis de santé, il me prendra sous son aile pour m’intégrer dans les divers rouages des journaux de son empire.

LE JOURNAL DE MONTRÉAL A 50 ANS

Et c’est comme ça que j’apprendrai sur le tas mon métier d’éditeur. Je suis d’autant plus heureux d’évoquer son souvenir que la Saint-Jean doit être l’occasion de faire un retour en arrière et de souligner ceux qui ont été de grands bâtisseurs.



LE PETIT PAIN, PAS POUR LUI

On a souvent dit et redit qu’un des problèmes des Québécois francophones était de se voir tout petit, tels des porteurs de pains. Autrefois on nous décrivait comme les moutons de la Saint-Jean. Pierre Péladeau ne mangeait pas de ce pain. Il a cru à notre capacité d’entreprendre et en a fait l’éclatante démonstration, avec pour modèles sans doute de nos ancêtres qui ont dû défricher des terres à l’infini pour que nous puissions nous bâtir et nous nourrir. Quand il a lancé le Journal de Montréal, il l’a fait contre l’avis de ceux qui l’invitaient à jouer de prudence.



Son flair aura finalement triomphé. Notre génération a-t-elle dans ses rangs un être de sa trempe? Je serais très curieux. Péladeau a créé un empire médiatique considérable qui n’a pas son égal aux États-Unis. Avec la synergie médiatique qui viendra par la suite du temps de son fils Pierre Karl, Québecor réussira là où n’a pu se rendre jadis le magnat américain de la presse William Randolf Hearst, celui dont Orson Welles s’inspirera pour son Citizen Kane. Hearst fantasmait à l’idée de pouvoir contrôler l’information.



PIERRE P TROUVERAIT CETTE SAINT-JEAN BIEN FADE

Péladeau père a voulu aussi raviver la flamme nationaliste. Qu’est-ce qu’il dirait de voir comment se vit le 24 juin aujourd’hui, sans la fièvre d’antan avec les Vigneault, Ferland et Léveillée? Ou encore une Pauline Julien déchaînée. Ou un Gérald Godin poète et député inspiré. Il comparerait cette Fête nationale comme un bonbon à sucer, mais sans saveur. Aujourd’hui c’est comme un congé férié, sans plus. J’espère que l’avenir lui donnera raison. Il ne faut jamais lâcher.


Photo: Bernard Bujold

En terminant, je souhaite à tous nos lecteurs et internautes de profiter à plein de cette journée. De bien se reposer. Ce qui est absolument nécessaire quand on veut ensuite se remettre en selle. Je salue tout particulièrement les immigrants qui nous ont fait l’honneur, non seulement d’avoir choisi le Québec, mais qui ont osé faire preuve de la plus grande intégration qui soit, à savoir de parler la langue officielle du Québec, le français.

MOINS D’IMPÔTS, MOINS DE TRAVAIL AU NOIR?