Il y a deux semaines, au beau milieu d’une discussion au sujet de mon bilan de santé, mon médecin traitant est parti dans une longue diatribe sur la gestion des soins de santé au Québec. Au beau milieu de son envolée, il m’a affirmé le plus sérieusement du monde que le système de santé était gouverné d’un bord par des enfants et de l’autre par des schizophrènes. La comparaison m’a bien fait rire.

Hier matin à Radio-Canada, on parlait du président syrien Bachar el-Assad (quoi d’autre? On ne parle que de ça ces jours-ci) et de son penchant à recourir aux paraboles et aux sophismes pour éviter d’avoir à répondre véritablement aux questions. Comment ça se fait, que je me demandais, que des dirigeants politiques mentent, manipulent l’histoire et que d’autres prennent des décisions qui conduisent à des bains de sang ou à des génocides et qu’on continue de les amener au pouvoir?

Je me suis dit que les psychopathes ne sont peut-être pas tous dans des prisons, on les retrouve aussi en veston et cravate comme têtes dirigeantes. Ils fonctionnent juste assez bien en société pour rester en marge de la légalité jusqu’au jour où la folie des grandeurs leur fait perdre pied. C’est là que je me suis souvenue de la remarque de mon médecin. Ça peu paraître insultant ou même un peu extrême de dire que notre système de santé est soit gouverné par une gang de kids, soit par des schizos. En même temps, ce n’est peut-être pas si fou que ça, si vous me passez le jeu de mots.

De nombreuses études démontrent que notre monde moderne, axé sur les résultats et la performance, n’a jamais été terrain plus fertile pour des personnalités narcissiques et psychopathiques qu’on retrouve en nombre grandissant à la tête des entreprises. De là à étendre le concept aux administrations publiques, il n’y a qu’un pas. Si on les retrouve en entreprise privée, on les retrouve dans les administrations publiques et à la tête des pays.

Remarquez que c’est parfois un collègue de bureau qui est atteint de ce gentil trait de personnalité. Je vous conseille de vous tenir loin quand vous les détectez. Bref, quand vous avez besoin de quelqu’un pour prendre des décisions que personne ne veut prendre, ce sont les bonnes personnes vers qui se tourner. Avec elles, on n’a pas à se soucier des émotions et du remords; ils en sont incapables. Le concept d’empathie n’existe pas pour eux. Pas de danger qu’ils basent leur décision sur la pitié ou la compassion.

Comme chef d’entreprise, administrateur ou politicien, le psychopathe peut être destructeur pour ceux qui se trouvent sur son chemin. Quand celui qui dirige est paranoïaque et qu’il se méfie de tout et chacun, l’air devient vite irrespirable. Quand un gestionnaire compte plus d’employés en burn-out ou qui ont démissionné que d’employés en bonne santé ou en place, qu’il est incapable de prendre sa part de responsabilité et qu’il ne ressent que de la contrariété plutôt que de la contrition, c’est signe qu’on a affaire à un type narcissique ou psychopathe. Les décisions que prend ce type de personnes sont toujours motivées par le gain et par le pouvoir, non pas en fonction de ce qu’ils pourraient offrir ou de ce que les autres pourraient en retirer.

Bref, c’est ce qui a amené mon médecin à ce constat, c’est que les administrateurs de la santé n’ont pas réussi à régler grand-chose, peu importe le parti au pouvoir. Les urgences sont toujours engorgées, on manque de lits, nos administrations sont toujours aussi figées, les salles d’opération font toujours l’objet d’un quota et les délais d’attente pour recevoir certains soins ou passer certains examens est d’une longueur inexplicable. Certains administrateurs ont l’air d’agir comme des enfants en prenant des décisions comme on joue au ballon chasseur : les décisions sont prises par élimination sans logique particulière.

D’autres agissent comme de véritables schizophrènes : leurs décisions sont dénuées de sens (sauf pour eux-mêmes), ils continuent de raconter des salades à la population et comme tous les psychopathes et tous les mégalomanes, ils y croient dur comme fer à leurs histoires. Ils se sentent très insultés quand on les remet en question et qu’on refuse d’y croire. Quand des gestionnaires sont atteints de la folie des grandeurs, les deniers publics ne peuvent pas être bien utilisés et les administrations bien gérées. Vous voyez où je voulais en venir?

Un Hitler, un Ceausescu ou un Pol Pot ne passe pas inaperçu, mais un gestionnaire ou un administrateur psychopathe peut longtemps passer inaperçu et faire beaucoup de dégâts au passage. C’est là qu’il est temps de se demander : comment on va faire pour que les psychopathes et les mégalomanes ne se partagent plus le pouvoir? C’est une question qui demande toute une réflexion, mais elle mérite d’être posée.