LE BOULEVERSEMENT S'EST ACCRU

Le bouleversement s’est accru lorsque j’ai vu les images de l’école secondaire que les trois filles fréquentaient, la polyvalente Antoine de St-Exupéry. C’est exactement là où j’ai passé les meilleures années de ma vie de jeune adulte. L’école qui a gradué Guy A. Lepage, Alexandre Despatie, Michel Therrien, Luck Mervil. Mais ça... ça ne devait pas arriver. Dire que c’est là que j’ai vu mon rêve de faire de la scène se concrétiser – où j’avais réussi à faire crouler de rire tous les étudiants de l’école, entassés dans l’auditorium bondé. Durant le reportage, je reconnaissais la brique, les puits de lumière, les contours de portes, la mezzanine, tout! Et je croyais que c’était difficile pour moi la vie de famille dysfonctionnelle à la maison, après l’école… Tout est relatif. Y compris nos valeurs. Incluant « l’honneur ».

VOICI LA DÉFINITION DU MOT « HONNEUR »

L'honneur peut se définir comme un lien entre une personne et un groupe social qui lui donne son identité. L'honneur se gagne par des actes admirés par la collectivité.

Dans cette définition, je remarque deux termes clés : « identité » et « se gagne ». Personnellement je comprends que l’on peut s’identifier, dans un contexte social, à ce qui nous paraît « honorable ». Par exemple, il est courant de voir une personne afficher les titres qu’elle a reçus pour ses performances, de ses réalisations académiques, etc. On peut noter le comportement, l’attitude, la démarche, l’état d’âme de cette personne se transformer en fonction de cet « honneur ». Question de démontrer que cette dimension n’est pas seulement apprise mais bel et bien inscrite en nous, les mammifères, même Major Tom, mon Golden craquant, se fait fier et a une démarche totalement différente lorsqu’il a saisi un « trophée » entre ses dents, que ce soit un os ou une tige de bois.

SOIF DE RECONNAISSANCE

L’être humain a soif de reconnaissance de ses pairs. C’est l’ego en pleine action. Et les honneurs (vendeur du mois, employé de l’année, Félix, Génie, Olivier, etc.) sont souvent un moteur de motivation plus grand que l’argent, par exemple. Ce fut mon cas à une époque où j’oeuvrais dans la vente chez Xerox. Chaque matin je vérifiais où je me situais dans le classement des vendeurs, pas mon relevé de commissions.

UNE QUESTION DE DIGNITÉ

Outre l’ego, l’honneur c’est aussi une question de dignité. Ma douce mais forte grand-mère maternelle adorée, Rose Alma St-Jacques, ne s’est jamais plainte, jamais. Elle souffrait le martyr avec son nerf sciatique qui la pinçait. Elle se frottait la cuisse. C’est comme ça que je savais qu’elle était au pic de la douleur. Au bout de ses 90 livres à 90 ans, elle tenait la porte aux plus jeunes derrière elle à la Caisse Desjardins de Ste-Agathe, avec un sourire à vous faire fondre, alors que je la savais souffrante. Elle n’a jamais fait un chèque NSF et ce, malgré son indigence. L’honneur c’est ça. L’honneur c’est travailler, rendre service. L’honneur c’est aimer, pas haïr. L’honneur ça se gagne avec de la sueur, pas comme un tueur.

L'HONNEUR SE PERD

L’honneur se perd. On coupe, on ne laisse pas passer sur la route. On passe à côté de celui qui se fait tabasser par sais-pas-qui, sans rien faire. On tutoie plus vite que Lucky Luke tire sur son ombre. On ne visite plus nos aînés, vaut mieux les enfermer. On ne retient plus la porte et on s’impatiente à la caisse. On passe à côté de la collègue qui vient de perdre son mari parce qu’on ne veut se retarder dans notre horaire en se disant que ça va être long, que ça va être lourd. Nous nous sommes dénaturés, déshumanisés, déshonorés… La vie nous donne une leçon. Nous sommes forcés de retourner à notre première saison. Celle qui nous a amené jusqu’ici : l’unisson. L’honneur, c’est se tenir debout. Pas de faire tomber l’autre par terre ou de le regarder paître. L’honneur n’existe pas sans l’autre, c’est vis-à-vis l’autre. L’honneur c’est de valider l’existence d’autrui. L’honneur c’est pas toi, c’est l’autre.

LIBERTÉ

Si la liberté - telle que nous la connaissons – n’avait pas été au centre du drame familial des Shafia, « l’honneur » n’aurait pas « sauté sa coche ». Encore une fois, la question se pose : Qu’est-ce que la liberté? Est-ce une valeur malléable au même titre que l’honneur? Est-ce qu’être honnête peut vouloir dire autre chose dans un contexte social différent, selon une éducation différente, d’une entreprise à l’autre, etc.? Sommes-nous trop libres au Canada? Nos adolescents ont-ils trop de liberté? Il me semble que j’avais appris que la liberté de l’un s’arrêtait là où celle de l’autre commençait. Est-ce toujours valide? Quel est le lien entre donner le meilleur de soi et l’honneur et la liberté? Tout! Il s’agit de valeurs fondamentales. Nos ancêtres ont payé de leurs vies – physiques ou mentales – pour sauvegarder ces valeurs. Or, qui sommes-nous pour les jeter par la fenêtre et les prendre pour acquis?

PERTE DE LIBERTÉ?

Personnellement, je crois que nous ne sommes pas aussi libres que nous croyons l’être. La famille moyenne en arrache – et de plus en plus. Essayez d’aller prendre le micro dans une assemblée à Québec ou à Ottawa pour exprimer votre point de vue comme le font les citoyens dans les petites municipalités. Nous votons et nous sommes pris en otage pour quatre ou cinq ans. Nos journalistes n’ont plus le droit de poser de questions aux membres du gouvernement fédéral. On ne peut plus stationner même s’il y a de la place de libre, alors que le parc de véhicules augmente, mais pas le nombre de rues. On ne peut pas promener nos chiens dans les parcs, les seuls espaces verts disponibles (?). Le choix des alcools, des prix et des heures d’ouverture sont régis par un gouvernement qui contrôle paradoxalement un régime entrepreneurial devenu outrageusement despote.

Une chose est certaine : on ne peut offrir le meilleur de soi-même si on n'est pas et on ne se sent pas libre. Et sur ce point, de ma mission de vous aider à vous réaliser j’en fais mon honneur.

MARCANDREMOREL.COM