Cette tragédie, même après 25 ans, fait encore couler beaucoup d’encre. Pour une fois, les points de vue ont foncièrement changé : on a laissé tomber l’éternel « Mon Dieu que c’est pas drôle » par « Qu’en retirons-nous ? ». C’est tellement plus constructif de troquer la révolte et le côté victime pour de la rétroaction mobilisante et évolutive. En effet, certaines féministes ̶ la journaliste Marie-Louise Lacombe, entre autres ̶  se sont questionnées sur le radicalisme de leur mouvement.

Radio-Canada retrace le cheminement de cette journaliste qui se souvient de l’impact que cette tuerie a eu sur ses collègues masculins à l’époque où elle était ambulancière. Je lève mon chapeau à madame Lacombe qui a su surpasser sa propre colère, ce qui lui a permis de comprendre que la plupart des hommes souffrent également de la méchanceté gratuite et de la vilenie de leurs pairs. Ce qui m’interpelle dans cet article, c’est l’idée que nous avons tous et toutes le choix d’adapter notre vision et nos croyances lorsqu’un drame de la sorte survient.

« On était déchirées au point où on regardait nos conjoints, et il y avait cette espèce de malaise entre hommes et femmes qui venait de se recréer », révèle madame Lacombe. Il est facile d’imaginer qu’un grand nombre de femmes aient pu considérer leur amoureux autrement, peut-être même avec rage et mépris, à la suite de l’événement. Il n’est plus à prouver que le 6 décembre 1989, un homme a voulu abattre des femmes qui souhaitaient intégrer un domaine professionnel réservé aux hommes. Il n’est pas nécessaire de vivre ce genre d’expérience pour comprendre que certains hommes refusent, encore aujourd’hui, d’envisager la possibilité qu’une femme puisse réussir dans un domaine dit «masculin».

En parallèle, il n’est pas nécessaire non plus d’être féministe pour regarder cet état de fait comme étant une tare inacceptable dans notre société supposément « égalitaire ». Par contre, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est souvent le lot de certains regroupements : ils généralisent et demeurent bien camper sur leurs positions. Les plus radicaux utilisent même ces drames pour se cloîtrer dans une forme d’austérité et de durcissement encore plus intense.

Pourtant, je crois que plus ces ralliements accepteront de s’ouvrir tout en conservant leurs valeurs à travers leur combat, plus les fossés confrontant deux parties se métamorphoseront en une sorte de complémentarité et de compréhension. À la question de madame Lacombe « Est-ce qu’on peut arrêter de faire du féminisme un bastion strictement féminin? », j’ose croire que la réponse est oui. Il existe suffisamment d’austérité dans à peu près tous les domaines, peut-on espérer un assouplissement qui permettrait une nouvelle intégration dans des idées préconçues où le noir et le blanc ne forment qu’un tout sans zones grises? Peu importe le domaine, le radicalisme n’a pas sa place.

MARTHE SAINT-LAURENT

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