« Voyons! Ressaisis-toi et fais un effort! Ce n’est pas comme si on t’avait coupé un bras! »
Partout dans mon CÉGEP et dans l’entourage des étudiants en général, j’entends des gens dire qu’on a toujours eu tout cru dans le bec et qu’à notre âge, nous devrions être solide comme le roc. J’entends des gens qui croient que le TDAH, c’est un trouble de l’apprentissage dans lequel l’enfant n’apprend pas parce qu’il est trop occupé à bondir comme un ressort. J’en entend d’autre dire que les adolescents et jeunes adultes ont trop peu vécus pour faire face à la dépression.
J’entends le mots « bipolaire » utilisé à toute les sauces, et elles sont généralement péjoratives. J’entends des gens dire « Elles ont clairement un problème de santé mentale. » à propos d’un groupe de fille qui rit beaucoup, énormément même. Mais savez-vous quoi? Les problématiques de santé mentale ne sont pas à prendre à la légère, et ce, même si t’as 16 ans et que ton corps est plein d’hormones que tu ne contrôles pas.
En secondaire 4, j’ai pris un allé simple pour l’enfer. C’était définitivement le moment le plus sombre de toute ma vie. Je n’avais plus aucun ami, tous étaient partis, me ridiculisant à la moindre occasion. En septembre, je mangeais seule, assise à une table loin de ceux qui nourrissaient de la haine envers moi. Puis le temps a passé, et en décembre, janvier et février, je ne mangeais plus. Je partais de la maison en disant à mes parents que je m’achèterai quelque chose à la cafétéria et une fois là -bas, je m’enfermais dans les toilettes pour ne pas qu’une surveillante m’interpelle, cherchant à savoir pourquoi je ne mangeais pas.
J’avais recommencé à me mutiler, et ce à tous les jours, parfois plus d’une fois par jour. J’avais, à la maison, mon arme ultime, mon rasoir, assez passe partout. Puis, à l’école, quand la douleur était si forte que je ne pouvais attendre mon retour chez moi pour me couper, j’avais une petite lame d’aiguisoir dissimulée dans mon étui à crayon. Je n’étais plus que l’ombre de moi-même.
J’en parlais un peu, quand même. À ma mère et à mon copain, surtout. J’en avais parlé à quelques enseignants, mais sans plus. L’inquiétude de mes proches était vive et ils avaient bien raison de croire le pire : j’ai développé avec tout ce temps le pire épisode suicidaire de ma vie. Or, au moment où j’ai commencé à me confier, je n’avais ni plan ni date. Je ne voulais pas mourir, mais je ne savais plus comment vivre. C’est bien, me direz-vous, on aura réglé le problème avant qu’il ne fasse trop de dégât.
Eh non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Parce que voyez-vous, l’idéologie selon laquelle un adolescent devrait être fort et qu’il devrait être apte à passer à travers les épreuves de la vie sans embûche est véhiculée en médecine aussi. Il est, semble-t-il, compliqué de diagnostiquer une maladie mentale à quiconque ayant moins de 18 ans en raison des hormones qui régissent son corps. Il est tout aussi compliqué d’obtenir ne serait-ce qu’un peu d’aide.
À ma première visite au CLSC, je rencontre mon médecin de famille et je lui raconte que ma vie tourne au sens antihoraire. Je lui fais part de mon grand inconfort à l’école, je lui dis que ma situation sociale s’est détériorée. Je lui explique que j’ai eu des épisodes d’automutilation et que moi et mes proches s’inquiétons beaucoup de ma situation. Elle m’explique à son tour qu’elle ne prenait pas la chance de me prescrire des médicaments car elle n’était pas psychiatre et que la médication et les enfants, c’était plus compliqué.
Elle me suggère la psychothérapie, avec un psychologue, m’assurant que lorsque la requête est remplie par un médecin, elle aboutit plus rapidement. Je lui demande d’inscrire sur la requête que je ne voulais pas rencontrer personne de mon école. C’était mon seul « caprice ».
Trois semaines plus tard, mon nom retentis dans les haut-parleurs de l’école. C’est la travailleuse sociale de l’école, qui m’appelle devant tout le monde et qui m’informe, à même le secrétariat, devant les secrétaires, qu’elle a reçu une requête venant du CLSC pour moi. À moi de me dire « Est-ce qu’ils écoutent quand on parle, là -bas? Mon état n’est pas dû à un conflit externe ou social, j’ai mal et je ne sais pas pourquoi, en quoi une travailleuse sociale va m’aider? Et pourquoi j’ai celle de l’école, et pourquoi est-ce qu’on croit que c’est approprié de faire l’appel des rendez-vous dans le secrétariat devant tout le monde. Il me semble que ce genre de choses doivent m’être privées. » Après une rencontre avec elle, je lui ai demandé de me référer à quelqu’un d’autre. Encore aujourd’hui, cette requête n’a jamais abouti.
Quelques temps plus tard, je me pointe au CLSC en crise. Crise de larmes, je n’étais plus capable de supporter ma vie. Je n’avais pas de plan encore parce que je voulais m’accrocher, donner une chance à ceux qui sont là pour ça de m’aider. Je rencontre l’infirmière du triage. Puis, entre le moment où je rencontre le médecin et celui ou je sors du bureau de l’infirmière, on m’assied avec ma mère dans le bureau d’une travailleuse sociale. Je pleure, ma mère pleure d’inquiétude de perdre sa fille, tout le monde pleure. Une fois dans le bureau du médecin, elle me dit que je frappe à la mauvaise porte (? !), elle me renvoie chez moi (?!?!) et me dit de perdre du poids, que ça m’aiderait (?!?!?!).
On a finalement attendu à la dernière minute pour me sauver, moi qui avait tellement cherché l’aide. Je ne m’étais pas mise à errer en silence, j’avais mal de vivre et j’en ai informé des professionnels de la santé. Mais c’est le jour où je devais mettre mon plan de suicide en action qu’on m’a admise en unité de pédopsychiatrie. J’y ai été diagnostiquée bipolaire par les deux psychiatres qui m’ont rencontré et on m’a gardé trois semaines. Chaque jour, je réapprenais un peu à vivre.
Mais ça aura pris de septembre à mars avant qu’on m’attrape dans ma chute, et ce même si je criais ma douleur à plein poumons aux ressources disponibles. Et ça aura pris de longues discussions avec certaines personnes de l’école pour qu’on comprenne bien ce qui s’était passé. J’ai fait un « coming out de bipolaire » devant ma classe parce que des gens croyaient que j’étais partie me la couler douce pendant 3 semaines.
Le 25 janvier dernier, on a causé pour la cause. Est-ce qu’on pourrait, s’il vous plaît, causer toute l’année et pas seulement avec les adultes de ce monde. Il n’existe pas de gènes d’adulte, il n’existe pas de maladie d’adulte. Y a trop de gens qui partent et trop qui partent presque, chaque jour…
MON DERNIER BLOG ÉTAIT VIRAL !
C’est génial, merci à tous mes lecteurs d’avoir fait mousser le texte. C’est fou d’avoir pu obtenir un si grand nombre de visiteur après seulement deux blogues de mon retour. Je compte sur vous pour que vous continuiez à me lire, votre présence dans ma vie me fait autant de bien que l’écriture en soi.
TERRORISTE À CAUSE DES CADETS ?!
ENFANTS SOLDATS
SABRINA BILLARD
J’entends le mots « bipolaire » utilisé à toute les sauces, et elles sont généralement péjoratives. J’entends des gens dire « Elles ont clairement un problème de santé mentale. » à propos d’un groupe de fille qui rit beaucoup, énormément même. Mais savez-vous quoi? Les problématiques de santé mentale ne sont pas à prendre à la légère, et ce, même si t’as 16 ans et que ton corps est plein d’hormones que tu ne contrôles pas.
En secondaire 4, j’ai pris un allé simple pour l’enfer. C’était définitivement le moment le plus sombre de toute ma vie. Je n’avais plus aucun ami, tous étaient partis, me ridiculisant à la moindre occasion. En septembre, je mangeais seule, assise à une table loin de ceux qui nourrissaient de la haine envers moi. Puis le temps a passé, et en décembre, janvier et février, je ne mangeais plus. Je partais de la maison en disant à mes parents que je m’achèterai quelque chose à la cafétéria et une fois là -bas, je m’enfermais dans les toilettes pour ne pas qu’une surveillante m’interpelle, cherchant à savoir pourquoi je ne mangeais pas.
J’avais recommencé à me mutiler, et ce à tous les jours, parfois plus d’une fois par jour. J’avais, à la maison, mon arme ultime, mon rasoir, assez passe partout. Puis, à l’école, quand la douleur était si forte que je ne pouvais attendre mon retour chez moi pour me couper, j’avais une petite lame d’aiguisoir dissimulée dans mon étui à crayon. Je n’étais plus que l’ombre de moi-même.
J’en parlais un peu, quand même. À ma mère et à mon copain, surtout. J’en avais parlé à quelques enseignants, mais sans plus. L’inquiétude de mes proches était vive et ils avaient bien raison de croire le pire : j’ai développé avec tout ce temps le pire épisode suicidaire de ma vie. Or, au moment où j’ai commencé à me confier, je n’avais ni plan ni date. Je ne voulais pas mourir, mais je ne savais plus comment vivre. C’est bien, me direz-vous, on aura réglé le problème avant qu’il ne fasse trop de dégât.
Eh non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Parce que voyez-vous, l’idéologie selon laquelle un adolescent devrait être fort et qu’il devrait être apte à passer à travers les épreuves de la vie sans embûche est véhiculée en médecine aussi. Il est, semble-t-il, compliqué de diagnostiquer une maladie mentale à quiconque ayant moins de 18 ans en raison des hormones qui régissent son corps. Il est tout aussi compliqué d’obtenir ne serait-ce qu’un peu d’aide.
À ma première visite au CLSC, je rencontre mon médecin de famille et je lui raconte que ma vie tourne au sens antihoraire. Je lui fais part de mon grand inconfort à l’école, je lui dis que ma situation sociale s’est détériorée. Je lui explique que j’ai eu des épisodes d’automutilation et que moi et mes proches s’inquiétons beaucoup de ma situation. Elle m’explique à son tour qu’elle ne prenait pas la chance de me prescrire des médicaments car elle n’était pas psychiatre et que la médication et les enfants, c’était plus compliqué.
Elle me suggère la psychothérapie, avec un psychologue, m’assurant que lorsque la requête est remplie par un médecin, elle aboutit plus rapidement. Je lui demande d’inscrire sur la requête que je ne voulais pas rencontrer personne de mon école. C’était mon seul « caprice ».
Trois semaines plus tard, mon nom retentis dans les haut-parleurs de l’école. C’est la travailleuse sociale de l’école, qui m’appelle devant tout le monde et qui m’informe, à même le secrétariat, devant les secrétaires, qu’elle a reçu une requête venant du CLSC pour moi. À moi de me dire « Est-ce qu’ils écoutent quand on parle, là -bas? Mon état n’est pas dû à un conflit externe ou social, j’ai mal et je ne sais pas pourquoi, en quoi une travailleuse sociale va m’aider? Et pourquoi j’ai celle de l’école, et pourquoi est-ce qu’on croit que c’est approprié de faire l’appel des rendez-vous dans le secrétariat devant tout le monde. Il me semble que ce genre de choses doivent m’être privées. » Après une rencontre avec elle, je lui ai demandé de me référer à quelqu’un d’autre. Encore aujourd’hui, cette requête n’a jamais abouti.
Quelques temps plus tard, je me pointe au CLSC en crise. Crise de larmes, je n’étais plus capable de supporter ma vie. Je n’avais pas de plan encore parce que je voulais m’accrocher, donner une chance à ceux qui sont là pour ça de m’aider. Je rencontre l’infirmière du triage. Puis, entre le moment où je rencontre le médecin et celui ou je sors du bureau de l’infirmière, on m’assied avec ma mère dans le bureau d’une travailleuse sociale. Je pleure, ma mère pleure d’inquiétude de perdre sa fille, tout le monde pleure. Une fois dans le bureau du médecin, elle me dit que je frappe à la mauvaise porte (? !), elle me renvoie chez moi (?!?!) et me dit de perdre du poids, que ça m’aiderait (?!?!?!).
On a finalement attendu à la dernière minute pour me sauver, moi qui avait tellement cherché l’aide. Je ne m’étais pas mise à errer en silence, j’avais mal de vivre et j’en ai informé des professionnels de la santé. Mais c’est le jour où je devais mettre mon plan de suicide en action qu’on m’a admise en unité de pédopsychiatrie. J’y ai été diagnostiquée bipolaire par les deux psychiatres qui m’ont rencontré et on m’a gardé trois semaines. Chaque jour, je réapprenais un peu à vivre.
Mais ça aura pris de septembre à mars avant qu’on m’attrape dans ma chute, et ce même si je criais ma douleur à plein poumons aux ressources disponibles. Et ça aura pris de longues discussions avec certaines personnes de l’école pour qu’on comprenne bien ce qui s’était passé. J’ai fait un « coming out de bipolaire » devant ma classe parce que des gens croyaient que j’étais partie me la couler douce pendant 3 semaines.
Le 25 janvier dernier, on a causé pour la cause. Est-ce qu’on pourrait, s’il vous plaît, causer toute l’année et pas seulement avec les adultes de ce monde. Il n’existe pas de gènes d’adulte, il n’existe pas de maladie d’adulte. Y a trop de gens qui partent et trop qui partent presque, chaque jour…
MON DERNIER BLOG ÉTAIT VIRAL !
C’est génial, merci à tous mes lecteurs d’avoir fait mousser le texte. C’est fou d’avoir pu obtenir un si grand nombre de visiteur après seulement deux blogues de mon retour. Je compte sur vous pour que vous continuiez à me lire, votre présence dans ma vie me fait autant de bien que l’écriture en soi.
TERRORISTE À CAUSE DES CADETS ?!
ENFANTS SOLDATS
SABRINA BILLARD