Mercredi, 10 septembre 2014

LA VIE EST SI LAIDE

Les yeux ouverts, sans visions stéréotypées et sans écran rose, c’est comme ça.

 
Nous naissons tous sans avoir demandé à être là. Nous sommes des êtres innocents. Plus purs que le monde dans lequel nous vivrons, nous sommes à un âge beaucoup trop jeune pour comprendre ce qui nous arrive vraiment. Impossible de rebrousser chemin, c’est le début de la mort. Pas la mort physique. Nous mourrons tous avant de réellement finir dans une fausse creusée à six pieds de profondeur. L’humain en nous meurt, tué par une société dirigée par des idées d’uniformisation. Nous devenons tous identiques de par notre façon d’être, de penser et de traiter les autres. La personnalisation n’est, au bout du compte, pas permise. C’est ça qui meurt. C’est nous qui mourons.

Le pire, c’est qu’on nous donne espoir au moment de notre vie où on ne fait qu’absorber l’information qu’on nous donne. À la petite enfance, on nous apprend à être ami avec tout le monde, malgré nos différences, malgré les cultures, malgré les religions. «Pour la personne que tu es, il n’y aucune meilleure façon de penser que la tienne. Défends tes points de vue tout en respectant ceux des autres. C’est ainsi que fonctionne la vie.» C’est ce qu’on enseigne aux enfants de 5 ans, ceux qui peuvent encore croire aux contes de fées. Ceux qui croient qu’ils peuvent encore faire de leur vie un conte de fées. Mais quand on vieillit et que «Il était une fois» n’a plus aucun sens pour nous, on se rend compte à quel point on s’est fait mentir en plein visage.



«Respect» est malheureusement un mot qu’on étudie toute notre vie sans jamais parvenir à comprendre son sens. On ne respecte réellement personne. Ni ceux autour de nous, ni nous-mêmes. Un parent qui transmet, de façon forcée, ses opinions et ses façons de penser à son enfant ne respecte pas la liberté mentale de ce dernier. Une personne qui change pour entrer dans le moule, pour être «normale», ne respecte pas la personne qu’elle est, au fond d’elle.

Pour être parfait, il faut être un peu tout, à force égale partout. Pas trop intelligent, sinon nous sommes une «bolle»; ni l’inverse, sinon, nous sommes cons. Pas trop gros ni trop maigre, sinon nous sommes laids ou anorexiques. Pas trop blonde, pas trop rousse, sinon, on est conne ou salope. Être à la mode. La mode qui elle, a pensé à son affaire! «Moi, je suis la mode, et je décide de ce qui est beau. Et comme les gros et les trop maigres sont laids à l’avance, je me donne le droit de ne pas leur offrir l’accès. Ils seront laids de la tête aux pieds, un point c’est tout.» Ratez une seule étape, et ce sera fini, on vous classera, on vous dénigrera parce que vous n’êtes pas si ou pas ça, ou trop si ou trop ça. C’est ainsi qu'en voulant atteindre l’estime de ceux autour de nous, on change jusqu’à devenir une personne identique à tout le monde. On tue nos valeurs, ce qui nous animait juste pour éviter que ce soit la société, de plus en plus féroce, qui nous tue.



Je ne parle pas de couleur, de race, de provenance, de religion. Non. Ça, ce sont des faits contre lesquels la société n’a rien à dire. Je parle des critères de beauté, des critères d’intelligence, des loisirs, des préférences, des goûts, des aptitudes, de notre façon de nous exprimer. Tout ça joue sur la manière dont les autres nous voient. Parce qu’ils se basent sur des règles non-écrites qui disent que si tu n’es pas conforme, tu n’es pas normal. Ce n’est pas normal d’avoir une opinion différente. Ce n’est pas normal de parler plus fort que les autres et de donner son point de vue. Ce n’est pas normal d’avoir quelques livres en plus et d'être bien avec soi-même quand même. Certes, personne n’a jamais été capable de nous pointer une personne qui répond exactement à tous les critères, mais ce sont ceux qui se rapprochent le plus de la «perfection» qui parviennent à «survivre» tout en étant morts, parce qu’au final, personne n’est soi-même.

Toute notre vie, on se promène parmi des milliers de corps sans âme. Parmi tous ceux qui ont abandonné ce qu’ils étaient pour devenir un petit bout dégueulasse d’une société ignoble. Nous. Et puis, on continue de faire grandir tout ça en jugeant à notre tour ceux qui, malheureusement, n’arrivent pas à se tailler une place. C’est tout ce qui nous reste à faire. Faire «respecter» les règles à lesquelles nous nous sommes conformés et faire subir aux autres ce que ceux avant nous nous ont fait subir. Dit comme ça, c’est laid à un point tel qu’on voudrait vomir. Dit comme ça, on comprend que notre vie se résume en deux choses: mourir et subir.



Moi, je suis de ceux qui n’ont jamais oublié «Il était une fois.» Même si j’ai regardé avec mes yeux, sans pensées stéréotypées et sans écran rose, je continue de croire qu’un jour, à force de me tenir debout, je finirai par faire de notre vie un conte de fées. Vous savez pourquoi la vie est ainsi faite? Parce qu’il y a des gens, avant nous, qui avaient le même rêve que moi mais qui n’avaient pas l’ambition nécessaire pour créer un beau monde tolérant et ouvert d’esprit. Alors aujourd’hui, plus personne ne mets du temps à rêver à un monde meilleur parce qu’on finit tous par croire que chaque action est vouée à l’échec. On met nos lunettes fumées roses et on fonce dans la vie en espérant que ça ne fasse pas trop mal. Moi, je garde les yeux ouvert et m’arme de mon côté pour combattre la vie quand ce sera elle qui foncera sur moi.

Je ne sais pas si je sortirai vainqueur, mais j’aurai au moins le mérite d’avoir essayé. Je ne resterai pas là à mourir et à subir.

À défaut de m’être trop souvent tue, aujourd’hui, j’ai énormément à dire. Après m’être cachée pendant tellement longtemps, je suis prête à partager tout ce qui me pèse, que ce soit mon opinion, mes coups de gueule ou mes bons coups. J’ai 15 ans, et je suis ici pour montrer au monde entier qu’il n’y a pas que les grands qui savent écrire en étant cohérent. Et ce, tout en essayant de panser les maux des mots...
À défaut de m’être trop souvent tue, aujourd’hui, j’ai énormément à dire. Après m’être cachée pendant tellement longtemps, je suis prête à partager tout ce qui me pèse, que ce soit mon opinion, mes coups de gueule ou mes bons coups. J’ai 15 ans, et je suis ici pour montrer au monde entier qu’il n’y a pas que les grands qui savent écrire en étant cohérent. Et ce, tout en essayant de panser les maux des mots...

SABRINA BILLARD, AUTEURE

LA SOCIÉTÉ MAGIQUE FUTUR

LES SECRETS D’UNE FILLE DE TREIZE ANS
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