Je ne le dit que rarement parce que j’en suis pas tellement fière, mais il fut un temps où je voulais mourir. Je n’en avais pas parlé à mes proches, et aujourd’hui, quand j’en parle, ça leur fait mal. Bien qu’ils ne le prennent pas, je ne compte pas cacher ce fait à personne parce que je crois qu’il peut propager un certain message d’espoir. Mais c’est surtout bénéfique pour moi parce que ça me permet de faire sortir quelque chose que j’ai gardé à l’intérieur trop longtemps.

«Va donc te pendre, crisse de grosse conne!» La première fois que j’ai reçu des souhaits de suicide, les mots ont résonné dans ma tête. Je me suis sentie comme un déchet qu’on se serait fait un plaisir de jeter dans un trou. J’ai eu envie de vomir, tellement je me suis détestée à cet instant. Tellement laide, grosse et conne que les gens voulaient ma mort. Je devais être vachement encombrante et dérangeante…

Plus je recevais des souhaits de mort, plus la Grande Faucheuse me tendait la main. Je rêvais d’elle. Dans chacun de mes rêves, elle se montrait très sympathique avec moi. Elle me faisait miroiter la paix. Et je me voyais lui faire entièrement confiance…

Dans la vie de tous les jours, j’avais l’air malade. Je ne me forçais plus pour avoir l’air heureuse. Je marchais en trainant mes pieds comme si mon corps était trop lourd à transporter. Comme si mon corps était mon fardeau et que j’étais épuisée de le traîner. Je ne voyais rien de plus que le trou noir devant moi qui s’agrandissait de plus en plus chaque jour. Mais en même temps, j’avais peur. Peur de perdre le pied et de finir dans ce trou.

Mais ce trou, il avait quelque chose que je voulais. La paix. Un monde sans insultes et sans menaces. Je m’imaginais une vie parfaite, comme celle que j’avais avant de déménager. Comme celle que j’avais avant que toute cette merde arrive. Comme celle que j’avais avant de d’avoir envie de mourir…



Peu de temps avant de prendre une vraie décision, j’ai parlé de ce que je vivais à ma mère. Je n’ai rien oublié. L’intimidation, les souhaits de suicide, les menaces, les coups… Et j’ai vu les yeux de ma mère s’emplir d’eau. Comme si c’était la première fois qu’elle voyait toute la douleur que j’avais en moi. Toutes les larmes qu’elle a versées le jour où je lui ai tout raconté, elle les a versées parce qu’elle ne savait pas quoi dire. Elle ne savait comment me dire concrètement qu’elle tenait à moi, alors elle a laissé ses larmes parler pour elle. On s’est serré si fort… Si fort qu’elle m’en a fait mal, mais j’étais contente de sentir toute cette affection physique. Il aurait été dommage que ce câlin soit donné à un corps froid et sans vie…

Ma mère fut ma force. C’est pour ça qu’aujourd’hui, peu importe ce que je fais, je lui demande son avis. J’ai toujours besoin d’elle. Quand je fais une connerie, je lui dis. Quand je me dispute avec mon copain, je lui demande toujours comment elle réagirait. Ma mère est une grande partie de ma vie et une grande inspiration pour moi. Elle a passé par ça elle aussi, l’intimidation. Dans la même école secondaire que moi, pour la même raison que moi. Elle a également passé par les mêmes tourments que moi et elle a su tenir bon. C’est pour elle que j’ai tenu bon moi aussi.

Il y a toujours une chose, petite ou grosse, qui nous retient à la vie. Il faut juste la trouver et se trouver un but en lien avec cette chose. Une fois que ce but est établi, on doit faire tout ce qui est en notre possible pour l’accomplir. Moi c’était de tout partager avec ma mère. Pour lui faire et me faire plaisir. Parce que ma mère dit souvent qu’elle vit son adolescence à travers la mienne. Je lui donne donc un accès complet dans ma vie.

À la demande des gens qui me suivent sur Facebook, mon blog de cette semaine portait sur le suicide. Plusieurs d’entre eux semblent brisés, alors je voulais leur livrer un message d’espoir : Vous êtes tous importants pour quelqu’un, ne l’oubliez jamais.



SABRINA BILLARD, AUTEURE

LA SOCIÉTÉ MAGIQUE FUTUR

JE T’INTIMIDE?