TOUT RECOMMENCE, ENCORE…

 

J’arrive tout juste à avaler que je travaille avec sa mère que le temps m’oblige à me rappeler qu’elle existe encore. Elle, la pire. Celle que j’ai si souvent évitée. Celle qui m’a si souvent fait pleurer. Aujourd’hui, nous l’appellerons X. J’ai une histoire à vous raconter. Accrochez-vous.


C’est un jour ensoleillé. Beaucoup plus que les autres. Comme si Mère Nature avait voulu nous dire qu’aujourd’hui serait une belle journée. Je marche en ville pour me rendre à mon autobus. Comme à ma nouvelle habitude, je marche la tête haute en regardant vers l’avant. Je profite du vent agréable qui souffle tout doucement dans mes cheveux. Mais aujourd’hui, j’aurais voulu marcher la tête baisse et ne pas m’apercevoir de sa présence. Celle d’X. Elle se dirige en direction inverse de la mienne, sur le même côté de la rue. Mon cœur se serre. Je ne l’ai pas vue depuis 2 ans. Qu’est-ce que je fais si elle me parle? Ah, je ne l’affronterai pas aujourd’hui. Je change de trottoir avant qu’elle n’ait la chance de me reconnaître.

Mon pas pressé a dû lui mettre la puce à l’oreille. Elle me regarde avec ce regard que je connais trop bien. Elle prend une grande inspiration, comme si elle allait crier. Comme de fait, elle crie. «Hey, la grosse! Sais-tu quoi? Tu vas être contente, je reviens à l’école en septembre.» Coup de poignard direct au cœur. X avait été expulsée de l’école à cause de l’intimidation qu’elle faisait et il semblerait qu’elle ait obtenu le pardon de la direction. Je ne veux pas qu’elle revienne et qu’elle me fasse vivre à nouveau toute la douleur de ma première année de secondaire. Sous ces mots que je viens d’entendre, je voudrais m’effondrer là, en plein milieu du trottoir, et ne même pas prendre l’autobus. Pleurer parce que j’ai peur. Parce que oui, j’ai peur.



Dans l’autobus, je reprends un peu mes esprits. Pas trop longtemps, tout de même. J’ouvre mon téléphone. Sur l’écran de déverrouillage se trouve une notification Facebook. Une notification d’X… Son message était rempli d’insultes et de haine gratuite envers moi. Je n’arrive pas à m’en souvenir parfaitement. Les seuls mots que je vois parfaitement sont ceux-ci: «Je vais te faire souffrir.» J’ai peur, je tremble. J’échappe plusieurs larmes parce que je n’ai pas la force de les conserver. Mais quand j’arrive enfin à destination, je sèche mes larmes, et devant mon amoureux, celui à qui je dis tout à l’habitude, je reste de glace quand il voit mes yeux légèrement mouillés par la tristesse et qu’il me demande si ça va.

Pendant des semaines avant que l’école reprenne, elle me harcèle partout. À mon travail, sur la rue, sur Facebook… Je n’arrive pas à me débarrasser d’elle. Dans ma tête, tout est bizarre. L’équilibre que j’avais enfin atteint s’est complètement effondré. Mon bonheur déboule et je n’arrive pas à débouler aussi vite que lui. Au lieu de le suivre, je m’écrase, ici, par terre, et je me convaincs qu’elle m’a eue, encore une fois. Je revisite le cul-de-sac qui m’empêchait d’avancer autrefois. Elle me blesse, cette X. Elle m’a tout volé alors que j’étais toute jeune, pourquoi sent-elle le besoin de venir me voler encore une fois? Et moi, qui ne suis pas plus forte qu’avant, je n’arrive pas à répondre non, quand mes proches me demandent si ça va. Comme avant, je montre mon plus beau sourire. Celui qui a l’air vrai, celui auquel on croit.



Je pleure toute les larmes de mon corps, mais maintenant, il ne m’en reste plus aucune. Il ne me reste qu’une rage intense contre celle qui m’a volé tout de ma vie. L’émerveillement que j’avais pour les petites choses simples. Le bonheur. La joie de vivre. Je suis là, assise au bord de mon lit, l’esprit au bord du gouffre. Une corde à la main, je me remémore comment le nœud coulant s’exécute. Dans mon délire, je balance mon corps de l’avant vers l’arrière en chuchotant mon souhait le plus cher, mourir.

C’est à ce moment-là qu’à toutes les nuits depuis maintenant 2 mois, je me réveille. Tout ça, toute cette histoire n’est que le cauchemar que je fais à toutes les nuits, sans exception, depuis quelque temps. Quand je dors seule, je me réveille en sursaut, tremblante, les joues mouillées de larmes. Quand mon copain est avec moi, sa présence arrive à me rassurer, mais je me tourne tout de même vers lui pour rechercher un peu réconfort. À partir de ce moment, j’arrive rarement à m’endormir une nouvelle fois.



Je vais vous dire, ces cauchemars, ça me fait chier. Dans le temps que je me faisais intimider, le sommeil était une des pauses que je pouvais m’offrir. Je rêvais de belles choses pour reposer mon esprit. Aujourd’hui, alors que je me suis débarrassée du fardeau que je portais, mes nuits sont dérangées par d’horribles scènes que j’aurais préféré ne jamais revoir. Je n’arrive pas à m’en débarrasser. J’ai beau penser à de belles choses avant de m’endormir, ce rêve ignoble prend le dessus sur toutes mes pensées. Et malheureusement, ça m’affecte. Chaque fois que je marche en ville, j’ai peur de la croiser. Parfois, je me pose cette question: qu’arrivera-t-il si je la croise?

Plusieurs d’entre vous me croient si forte. Mais elle, elle m’a détruite, et malheureusement, je ne suis pas encore parvenue à me reconstruire complètement. Si je la croise sur la rue et qu’elle passe son chemin sans rien dire, j’arriverai à faire de même. Évidemment, j’aurais peur et j’aurais la larme au bord de l’œil, mais rien de plus. Si elle m’aborde, je ne sais pas ce qui se passera. Peut-être que le cœur me lèvera à cause du dégoût que j’éprouverai pour moi-même. Devant elle, je n’arriverai pas à être forte. Je me suis juré de ne plus faire semblant. Alors si elle me traite de grosse, que ce soit sur la rue, au Tim Hortons, n’importe où, je serais du genre à m’effondrer par terre et à pleurer sans me soucier des gens autour.



Elle me fait peur, cette fille. Ce cauchemar me fait peur. Ça me suit partout. Je suis extrêmement sensible depuis quelque temps. Je pleure toujours, sans raison vraiment précise. Je cache des choses à mes proches par peur de les effrayer. À mon travaille, à la seconde où je fais une erreur, j’ai peur des représailles. Même si je sais que mes supérieurs m’avertissent pour que j’apprenne de mes erreurs, ça me fait une énorme boule au cœur. Je ne sais pas ce qui se passe présentement, mais je n’aime pas ça. C’est l’été, j’étais supposée vivre d’amour et d’eau fraîche, écrire un blog une fois par semaine, me reposer, écrire… Finalement, je vis d’amour et de peur de le perdre, je pleure un blog par semaine, je manque de sommeil et tout ce que j’écris est un bordel total. J’espère que ça se replacera avant septembre. Je n’ai pas envie de commencer ma quatrième secondaire d’un mauvais pied…


10 000 fois merci. 10 000, c’est le nombre de rêveurs maintenant présents sur ma page Facebook. Merci, et en même temps, félicitations! En cliquant sur «J’aime», vous vous embarquez dans un projet de fous et ensemble, on arrivera à quelque chose de grand en ce qui concerne la prévention de l’intimidation. S’il y a un rêve en moi qui ne sera jamais englouti par mes cauchemars, c’est bien celui-là, et c’est grâce à vous!

À défaut de m’être trop souvent tue, aujourd’hui, j’ai énormément à dire. Après m’être cachée pendant tellement longtemps, je suis prête à partager tout ce qui me pèse, que ce soit mon opinion, mes coups de gueule ou mes bons coups. J’ai 15 ans, et je suis ici pour montrer au monde entier qu’il n’y a pas que les grands qui savent écrire en étant cohérent. Et ce, tout en essayant de panser les maux des mots...

SABRINA BILLARD, AUTEURE

LA SOCIÉTÉ MAGIQUE FUTUR

CHÈRE VICTIME D’INTIMIDATION