BOYCOTTONS LE SAINT-SULPICE

 

Personnellement, j’aime le Saint-Sulpice. Je pense aux fondateurs, le docteur en psychologie Maurice Bourassa et le diplomate Pierre-Luc d’Orsonnens, qui ont d’abord imaginé le bar comme un lieu d’échanges culturels et sociaux. J’aime qu’ils aient choisi de préserver l’architecture d’époque: ça donne l’impression que chaque pièce, sur 4 étages, a une âme. En buvant ma bière près de la fontaine, je savoure les souvenirs que j’ai à cet endroit: les soirées de poésie, le slam… Certes, mais si j’aime le Saint-Sulpice, je déteste ses employés.



J’ai déjà demandé à une serveuse de l’endroit: « Est-ce que c’est un prérequis d’être chick pour travailler ici? » Elle me répond que c’est un peu comme ça dans tous les bars et restaurants: je lui concède le point. Ensuite, je dis: « Je comprends ça, mais est-ce moi, ou les employés ici, sont un peu snobs? » Sur le moment, je ne souhaitais pas l’insulter, mais j’étais en colère. J’étais en colère, parce qu’un portier venait d’être impoli avec nous et qu’une serveuse avait ri de notre gueule. Mais bon, les cools ce sont les cools, les chicks les chicks et un bar tendance c’est un bar tendance…

Vendredi dernier, Gabriel Dion prenait part aux initiations de la faculté de médecine de l’Université de Montréal dans l’établissement de la rue Saint-Denis. En cours de soirée, alors que la fête se poursuivait et que l’alcool coulait à flot, le jeune homme se serait déplacé à l’écart, dans une cage d’escalier, pour embrasser un autre homme.

Un agent de sécurité de l’endroit serait alors intervenu et aurait demandé aux deux hommes de quitter les lieux.

« Le portier nous narguait un peu en nous disant qu’on n’avait pas été sages, mais tout le monde faisait ça de toute façon, a raconté Gabriel Dion. Tout le monde dansait, tout le monde se collait, tout le monde s’embrassait. On nous a lancé dans la rue avec rien… Journal de Montréal


Gabriel Dion, capture d'écran TVA

Ce comportement-là me donne envie de gerber. Vous me direz qu’il s’agit de deux employés seulement et que cela aurait pu arriver n’importe où: vous avez raison. Voilà pourquoi je propose que le Saint-Sulpice nous serve d’exemple. Le propriétaire de l’endroit est responsable – en partie – du comportement de ses employés. Pour ma part, je ne serai pas satisfait par des excuses venant de la part du tenancier, excuses qu’il n’a toujours pas faites au moment d’écrire ces lignes. Moi, je choisis de boycotter l’endroit jusqu’à nouvel ordre et j’espère que je ne serai pas le seul.

COMMENT LE SAINT-SULPICE POURRAIT-IL RÉPARER LES CHOSES?

Ce que j’aimerais, c’est qu’en plus de faire des excuses publiques, le patron du Saint-Sulpice organise une soirée dont la thématique serait pensée par et pour tous les homosexuels de la métropole. Au-delà d’une simple soirée, je désire qu’il offre une conférence ou un atelier à ses employés sur le thème de l’homophobie. Tant qu’à y être, ne pourrait-il pas en planifier une sur le respect et la courtoisie? La prévention étant toujours plus pratique que la répression.

Le pire dans tout ça, ce sont les sentiments derrière le geste: d’un côté l’amour et de l’autre, la haine. Deux êtres humains qui s’aiment, gais ou non, c’est beau. Quand je pense que cet amour-là peut susciter l’intolérance, la haine et la violence, ça me crève. Ça me tue de penser au courage qu’il faut pour sortir du placard et à l’humiliation qu’un idiot de portier a su créer chez deux jeunes hommes. J’en profite d’ailleurs pour saluer le courage de Gabriel Dion: le courage qu’il a dû avoir pour dénoncer un tel geste. Rester en silence, c’est plus facile que de se lever: pour ça, je te dis bravo et merci, Gabriel.

LES OPINIONS EXPRIMÉES SONT CELLES DE L’AUTEUR ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CELLES DU PORTAIL DU GRAND MONTRÉAL LaMétropole.com

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