UNE AUTRE JEUNE SUR LA ROUTE?

 

Je n’ai jamais eu de crise d’âge. Aucune à 20 ans, ni à 40, ni même maintenant à 45 ans. J’ai plutôt eu mon choc il y a deux mois, quand j’ai inscrit ma fille à son cours de conduite. Ouf, je venais de me rendre compte que 16 ans venaient de me passer sous le nez, sans que je n’y vois rien. Je suis montée à la salle de bain et j’ai remarqué mes rides. Elles m’attendaient, fermement ancrées dans ma peau et m'ont dit : « Salut la vieille, ta fille va maintenant te conduire partout! ».

En effet, ma fille sera bientôt une autre de ces jeunes qu’on accusera de tout, de par sa simple présence sur la route. Rentrera-t-elle un jour dans de tristes statistiques? J’ai trouvé des statistiques de 2007 et on y dit que 200 jeunes ont été impliqués dans des accidents avec décès. Que 12 270 jeunes ont été impliqués dans un accident avec blessés légers. Saura-t-elle mériter ce privilège qu’est de pouvoir se déplacer du point A au point B en écoutant sa propre musique et en choisissant la température de l’habitacle, sans qu’on voit un jour son nom affiché sur un poteau au rebord d’une autoroute?



Vous connaissez Kassandra grâce à son blogue et vous savez très bien qu’à la base, elle n’est pas une tête folle. Elle est peut-être un peu ce qu’on appelle « dans la lune » comme sa mère, mais dangereuse… je ne crois pas! Qui seront par contre les amis (es) qui auront le privilège de s’asseoir sur le siège du passager ou sur la banquette arrière? Seront-ils de mauvaise influence pour elle? Car ma fille a de pareil à tous les autres jeunes le fait qu’elle est influençable. Elle désire plaire à ses amis, être populaire auprès de certaines personnes, voire même les impressionner à l’occasion.

On dit que les jeunes adultes sont des plaies sur la route, mais je n’accepte pas cette idée. Ils manquent d’expérience, certes, et ne sont pas à l’abri d’un manque de jugement. Je peux aujourd’hui affirmer que la plupart des hommes que j’ai côtoyés dans ma vie ont tous été des conducteurs émérites. Ils ont tous appris à conduire une voiture à 12 ou 13 ans, dans le champ et/ou sur des chemins de campagne. Ils ont tous gardé de cette expérience une fierté qui s’exprime ainsi : « Dans mon temps on n’avait pas besoin de cours, on apprenait à conduire à 12 ans ou 13 ans et quand on arrivait à notre examen on savait comment ça marchait, un char ou un ski-doo! ».

Si je considère qu’il y a 40 ans, une personne commençait à conduire à 12 ans, avec la vieille Datsun de mon oncle Roger. Si j’imagine que ces conducteurs avaient, lorsqu’ils ont passé leur examen de conduite, une certaine expérience que nos jeunes d’aujourd’hui n’ont pas. Qu’ils avaient probablement passé à travers plusieurs situations de conduite. Neige, glace, nids de poule rencontrés chemin faisant sur le rang croche. Malgré leur grande expérience, je crois que plusieurs de ces conducteurs sont les plus dangereux sur la route de nos jours. Ils sont impatients et, pour plusieurs, n’ont pas adapté leur conduite au plus grand flot de circulation sur les routes qu’en 1973. 

Il y a aussi ces femmes de mon âge, qui se sauvent de leurs rides en roulant de plus en plus vite, avec la grosse Lincoln 4 roues motrices acheté avec l’argent de la compagnie de construction qu’elle détiennent à moitié avec leur généreux mari. Je peux vous dire que les madames sont pressées sur la route. Elles sont souvent en retard pour leur rendez-vous chez l’esthéticienne ou pour aller chercher leur future vedette du Canadien de Montréal à l’aréna. Elles ne laissent passer personne et surtout, ne regardent pas leur angle mort avant de tourner. J’habite maintenant la Rive-Sud et je peux vous garantir que cela fait partie de mon quotidien! Je leur suggère une visite à la piste de course ICAR l’an prochain, elles en auraient pour leur argent. C’est là, l’endroit pour rouler vite au Québec.



Aujourd’hui, ma fille a réussi son examen théorique avec six petits cours, pour arriver à avoir le droit de conduire une vraie voiture. NOTRE voiture et pendant une longue année. En présence d’un adulte, NOUS, sur la vraie route et pas sur le rang croche qui a aujourd’hui fait place à une autoroute. Tout au long de ce cheminement, elle aura quatre leçons pratiques avec un professionnel (par chance) et on la mettra sur la  route avec tous les conducteurs, incluant ceux qui ont commencé à conduire à 13 ans et les femmes qui ne regardent que devant elles et qui croient que la route leur appartient.

Ma fille devra partager la route avec ceux qui collent au cul de tout le monde parce qu’ils trouvent qu’on ne va pas assez vite. Ceux qui chialent contre les personnes qui n’ont pas leur niveau d’expérience sur la route. Ceux qui chialent contre la police parce qu’elle fait des opérations radar ou de détection d’alcool au volant. Elle n’aura pas le droit à l’erreur, car elle deviendra une statistique.

Aujourd’hui, plus question de pratiquer la conduite avec une vieille Datsun. Premièrement, Michel Barrette doit être le seul à en avoir encore une, mais aussi parce que c’est interdit par la loi et que s’il se fait prendre, il devra payer cher ce privilège. Quand notre enfant reçoit son permis « d’apprenti », on le projette sur la route avec les impatients. N’oubliez pas qu’il n’y a pas plus de voitures sur les routes qu’il y a 35 ou 40 ans!

J’aimerais donc demander à tous ceux qui suivent une petite voiture avec, bien accroché à son volant une jeune femme ou un jeune homme et qui semblent un peu nerveux… d’être patient et d’arrêter de dire des ignobilités.



J’aimerais vous demander de ne pas les coller au derrière et plutôt de les encourager en leur cédant votre place, plutôt que de les traiter d’irresponsables. Car dans ce cas-ci, je me demande vraiment qui est l’irresponsable.
 
Je veux finalement féliciter les efforts qui sont faits par la SAAQ, en équipe avec la firme Lg2 Communications, pour leur campagne « des fantômes dans le miroir » que nos jeunes verront dans les cégeps du Québec. Pourrions-nous avoir une version d’un vieux conducteur qui a appris à conduire dans le champ et qui aujourd’hui hanterait nos miroirs de salle de bain?