J’avais eu une amie/connaissance assez particulière dans ma vie, Maryse. Elle disait avoir trouvé le grand amour et elle s’en allait le rejoindre en Alberta.
Puisqu’elle était diabétique et qu’elle avait une santé fragile, je lui avais proposé d’aller la reconduire avec sa voiture, mais en contrepartie son amoureux devait me payer le vol de retour. Je ne pensais pas que ma proposition serait retenue! Une belle croisade de près de 4000 km en territoire canadien nous attendait. Maryse, une femme amusante avait perdu plus d'une soixantaine de livres en deux ans. J’avais beaucoup d’empathie pour elle, car elle venait de vivre un rude hiver…
Sous une image de femme forte se cachait une femme vulnérable qui était rendue malade à en perdre ses cheveux! J’étais touchée qu’enfin du positif lui arrive, car personne sur terre ne mérite d’être malheureux. Elle vivait au-dessus de ses moyens et elle avait de la difficulté à joindre les deux bouts. Son prince charmant allait même payer sa propriété ici et lui allouer de l’argent pour ses dépenses personnelles. . Il semblait plein de bonnes intentions et souhaitait l’aider à se refaire une santé.
J’étais certaine que tout se passerait bien pour elle (car je suis une éternelle, positive!) et je me sentais privilégiée de pouvoir vivre une telle aventure ! J’allais être témoin de peut-être une grande histoire d’amour des Temps modernes. C'est vraiment durant les dix jours précédant notre départ, que j’ai appris à connaître Maryse. Je ne connaissais pratiquement rien de cette « pseudo amie »… Je l’invitais à manger chez moi tous les jours afin qu’on puisse planifier au mieux ce long trajet. Un peu comme un ange gardien ou une mère Theresa, je voulais veiller et prendre soin d’elle. J’ai toujours été une mère Theresa dans l’âme. On m’avait longtemps surnommée MT en l’honneur de cette grande dame. Chose qui m’a toujours déplu d’ailleurs.
L'objectif de ce trajet était d’aller enterrer cette MT au plus loin dans les Prairies et de m’assurer que Maryse se rende correctement. Je devenais tranquillement enthousiasmée pour cette belle aventure. Le jour « J » est arrivé et nous sommes parties en direction d'Edmonton, Alberta! Je nous avais préparé un méga lunch pour la route. Nous allions rouler pour trois jours et j’allais disposer de quatre jours en Alberta. Son prince charmant nous avait promis que nous irions à Jasper dès notre arrivée et nous irions passer la fin de semaine à Calgary, d’où j’allais revenir. Ça s’annonçait être une belle aventure pour Maryse et un beau périple pour moi.
Dans sa Honda Civic bleue, nous avions tout le contenu de sa vie. Un nouveau départ, un nouveau défi, une belle vie l'attendaient! Je la trouvais courageuse de tout quitter pour lui, c’est à dire son emploi, ses amis et sa famille. Tout ça pour un veuf, père de trois enfants! N'est-ce pas toute une preuve d'amour ça?
Patrick, alias le prince charmant, était supposément un homme riche du Québec qui était allé gagner sa croûte en Alberta dans le domaine immobilier. J’avais eu un aperçu de la propriété dans laquelle nous allions loger sur un site Internet. Une magnifique propriété, nouvellement construite, offrant six chambres à coucher, cinq salles de bains et une cuisine à rendre jaloux n’importe quel grand chef de ce monde. C'était la première fausse représentation que nous allions découvrir sur lui. Je qualifierais cela de première prise! Ce n’était pas dans cette magnifique propriété que nous allions habiter, mais une beaucoup, voire énormément, plus rudimentaire que celle montrée dans un courriel précédent.
Je dois accorder un crédit à son « Roméo » des Temps modernes, il y a eu une constance dans ses dires, car la maison était située dans le même secteur. Curieusement, nous avions une brève photo de l’extérieur de celle où nous allions habiter et le nombre de chambres passait de six à quatre et les salles de bains passaient de six à deux! J’ai appris ce que c’est de vivre 24 heures sur 24 avec une diabétique. On aurait dit une personne bipolaire qui avait des sauts d’humeurs extrêmes. Maryse passait de gentille, à désagréable. Assez méchante parfois que je me demandais comment un homme sain d’esprit pouvait vouloir vivre avec ce sale caractère! Mais bon, ma mission était celle d’accompagnatrice et non de conseillère en matière de relations humaines.
Malgré toute la gentillesse de mon geste, j’ai eu droit à des crises injustifiées pouvant frôler l’hystérie. Ça devenait vraiment insupportable! Je calculais le nombre d’heures qui nous séparaient de notre arrivée. J’attribuais le tout à un stress énorme. Le meilleur remède était sans contredit, une grande inspiration et un sourire. Cela me faisait oublier le climat trop souvent malsain dans la voiture. Elle avait eu une enfance difficile. Souvent, elle s’était nourrie de tranches de pain, car c’était le seul ingrédient dans le frigo. La malnutrition ne l'avait sûrement pas aidé pour le diabète. À tellement manquer de nourriture, mais surtout d'amour, ça lui avait forgé une personnalité combative.
Son père, un homme marié avait eu une relation extra-conjugale... Personne n’avait pris le temps d’aimer Maryse. Je la décrirais comme une femme de fer avec un cœur fragile. Elle avait de la misère à croire qu’une personne puisse être bonne envers elle. Je lui disais de croire en la beauté de la vie. En plus d'une vie familiale difficile, voire inexistante, elle avait eu son lot de malheurs avec les hommes. Quelques mois avant de promettre amour et fidélité à l'élu de son cœur, elle a eu un pressentiment de l'appeler. Ce dernier ne répondait pas. Elle avait voulu lui faire une surprise. Quelle surprise auront-ils eue tous les trois! Il avait une maîtresse...
Maryse errait beaucoup dans la futilité et elle jugeait un portefeuille plus essentiel qu’une belle personnalité. J’avais beaucoup de difficulté avec cette philosophie. Le superficiel ne faisait pas partie de mes valeurs de vie. Elle me souhaitait un homme riche. On aime une personne pour ce qu’elle est, non pas pour la valeur de son portefeuille, n'est-ce pas?
Elle voyait en Patrick l’homme qui allait la sortir de la misère et lui faire vivre l'amour. Elle espérait le marier et fonder une famille avec lui. Elle entrevoyait ce futur avec positivisme et cela me touchait. J’avais une meilleure compréhension de sa personnalité forte en émotivité et je lui pardonnais ses écarts de conduite. Maryse avait eu une jeunesse volée et un rêve de bonheur envolé. Elle semblait en manque d’aimer et surtout d’être aimée. Un homme allait prendre soin d’elle et j’espérais que son rêve de conte de fées se réalise enfin…
Maryse m’avait raconté sa rencontre et sa relation avec Patrick lors du voyage. Elle avait fait sa rencontre l’année précédente sur un site de rencontre par Internet. Il l’avait invité à venir passer quatre jours dans l’Ouest. Il avait mis le paquet afin de l’impressionner. Il était retourné avec son ancienne conjointe après ce week-end de rêve. Elle avait eu le cœur brisé. Quelques semaines avant notre départ précipité en Alberta, il l’avait rappelé lui disant qu’il avait regretté ce qu’il lui avait fait et il lui demandait une seconde chance. C’est pour ça que j’avais été surprise, car j’avais toujours connu Maryse célibataire. Une cloche aurait dû sonner!
Avoir connus cette information plus tôt, je crois que je lui aurais suggéré d’aller faire un essai avant de tout quitter. Elle était majeure et vaccinée… Plus nous approchions de notre destination, plus elle pleurait. J’en avais le cœur déchiré. Elle n’avait vu Patrick que quatre jours dans sa vie. Le plus grand de la relation avait été des échanges par téléphone ou par messagerie texte. Je souriais et je la réconfortais en lui disant que tout irait pour le mieux. Je l’avais aussi informée que si ça ne fonctionnait pas, j’allais redescendre la voiture avec elle.
Patrick avait fait une deuxième prise lors d’un arrêt un soir. Il avait demandé à Maryse si je souhaiterais aller à Jasper avec soit un homme riche divorcé de 58 ans ou un Français fumeurs dans la soixantaine afin que l’un de ces hommes puisse aider à couvrir les frais… Ma réponse a été la suivante : j’ai déjà un père et j’ai la capacité de payer ma chambre d’hôtel.
C’est ainsi que j’apprenais que nous n’irions pas à Jasper. J’en étais un peu déçue, mais peu surprise. Nous allions aller à Calgary. J’allais y voir mon cousin. Patrick avait prévu mon retour au Québec plus tôt que prévu, car c’était moins onéreux. Avec le recul, j’ai compris que son seul objectif était de faire la rencontre de mon cousin Marty, un homme connu du Québec qui habite maintenant Calgary. J’arrivais le mercredi pour repartir le samedi. Nous sommes arrivés à Edmonton dans l’après-midi. Maryse était nerveuse, fallait-il s’en étonner? J’avais pris l’appareil photo pour immortaliser la première étreinte devant « Starbuck Café ».
J’avais vécu un grand malaise lors des retrouvailles que je jugeais étranges. Je ne ressentais pas d’amour, ni d’affection. J’attribuais le tout à la fatigue et au stress. Je me disais que ça allait reconnecter et que les choses se feraient naturellement. Après ces brèves retrouvailles, nous nous sommes dirigés vers la nouvelle résidence de Maryse. Après la maison dans la prairie, il y a eu une maison dans un amas de boue!
La maison en vinyle sur deux étages était ordinaire, il n’y avait aucun luxe. L’intérieur disposait de parquets de tapis et des draps servaient de rideau dans les fenêtres! Pour un homme qui prétendait être riche, pourquoi n’avait-il pas pris les services d’une professionnelle pour rendre sa maison plus accueillante? Puisqu'il travaillait dans le domaine de l’immobilier, il devait connaître l’importance du « home staging »!
Ce qui m’avait le plus marquée, c'était les photos de l’ancienne conjointe de Patrick un peu partout dans la maison, celle qui avait été larguée un mois plus tôt. Me direz-vous que c’est un homme et qu’un homme ne pense pas à ces choses-là? Il n’avait pas pris le temps de faire le deuil de la relation précédente. Elle avait quitté le nid conjugal le même dimanche que nous partions du Québec. Maryse le savait. Ça sentait la relation tampon (rebond) pour Maryse!
Nous étions sept à vivre ensemble. Patrick, deux de ses trois enfants, son beau-père, un employé, Maryse et moi. J’avais comme options de dormir sur le divan du salon ou sur un matelas sur le plancher dans la chambre de sa fille de douze ans. Ces deux enfants avaient perdu leur maman suite à un accident de voiture. Ils ne demandaient qu’à vivre une vie familiale stable et à être aimés. C'était le scénario parfait pour tous. Ils allaient pouvoir s’aider. La rencontre avec les enfants s’était bien passée.
Nous venions à peine d'arrivée que Patrick quittait pour une rencontre d’affaires. Quand l’amour de votre vie fait tout ce chemin pour vous voir, vous vous arrangez pour passer du temps avec elle la journée de son arrivée? Pourrions-nous dire, une troisième prise?
Maryse devait avoir une discussion avec lui le lendemain, question d’organiser la maisonnée. Je suis allée rejoindre les jeunes à l’école pour nous diriger vers le West Edmonton Mall. Ils sont venus nous retrouver en fin de journée. Il est sorti de la voiture et en la croissant, il lui a dit : « Je t’aime ». Ça sonnait tellement faux. Comment une personne qui sort d’une relation peut après une journée dire à une autre personne qu’elle l’aime? Il manquait l’intention d’aimer dans le je t’aime.
Le deuxième jour, elle était de corvée pour le lavage de toute la famille. J'étais sans mot. Le vendredi, nous en avions profité Maryse et moi pour explorer le centre-ville d’Edmonton pour poursuivre la journée au West Edmonton Mall. Je ne comprenais pas son empressement à revenir à la maison. Plus la journée avançait, plus elle devenait nerveuse. Patrick avait demandé à ce que le souper soit prêt pour 17 h! Nous sommes retournés à la maison pour 15h. Il avait demandé à ce que nous utilisions les restants. Il fallait faire de la magie avec des riens! Il m’a donné dix dollars pour acheter tout ce qui manquait pour nourrir sept bouches! De vieilles carottes toutes molles trainaient dans le fond du frigo, alors j’ai fait un potage. Pour le reste, il y avait du poulet que j’ai coupé en morceaux, j’ai rajouté des légumes surgelés que j’ai trouvés dans le congélateur, j’ai rajouté un reste de riz et des assaisonnements. C’est ainsi que j’ai nourri sept bouches avec moins de dix dollars et des restes. Je l’avais trouvé chiche!
J’ai commencé à avoir des informations filtrées sur son « Roméo ». Il n’était pas riche. À voir l'état de la maison, je l’avais réalisé! Il y avait un compteur d’eau dans la maison, nous n’étions pas autorisés à prendre plus d’une douche par jour et pour aller aux toilettes, nous ne devions pas tirer la chasse d’eau à moins d'un cas lourd. Puisque nous vivions dans la boue, Maryse avait passé un sale moment à cause de mon jean sale (jeu de mots simpliste!) que j’avais demandé de laver la veille de mon retour.
Pour ma dernière soirée en Alberta, Patrick avait décidé de louer le film de son choix. Nous étions quatre à l’avoir déjà vu. C’était vraiment égoïste de sa part. Le samedi nous avons quitté Edmonton pour Calgary. Le deux heures de route nous séparant de Calgary fut assez tranquille, Maryse était songeuse tandis que les enfants et moi écoutions notre musique.
J’étais contente d’aller voir mon cousin Marty ainsi que sa famille. Sans qu’elle le sache, sa femme Jane avait joué un rôle important dans ma vie. La chose la plus importante qu’elle m’aura dite c’est : « Val, how much worth your happiness? ». Combien vaut ton bonheur? Je suis vraiment choyée d’avoir une famille aussi formidable! Comme j'aime à le dire, la vie s’est chargée de mettre des gens merveilleux autour de moi.
Nous sommes arrivés sur l'heure du midi. Nous voulions aller manger avant de nous rendre chez lui, mais Patrick a insisté pour le voir le plus rapidement possible. Je commençais tranquillement à identifier son personnage et sa personnalité. Il s'était fait payer un diner pour lui et sa famille par Marty. Je voulais mourir de honte! À partir de cet instant, Maryse savait qu'il n'était pas le prince charmant et je crois qu'elle regrettait de ne pas revenir avec moi à Montréal.
Nous devions aller passer la journée au centre-ville de Calgary. Dès que Patrick a obtenu ce qu’il désirait, c’est-à-dire les coordonnées de Marty, il a décidé que c’était terminé pour moi. Il m'abandonnait à 14 h chez mon cousin pour retourner à Edmonton! Mon vol était à minuit et mon cousin avait un souper. La compagnie aérienne ne pouvait pas devancer mon vol. Je devais attendre…
C’était ainsi qu’il sortit ma valise de son camion. Maryse pleurait. Je ne comprenais plus rien. C’est alors que la femme de fer s’ouvrait et me disait : Valérie, j’ai fait une erreur. Patrick c’est un profiteur et il m’a menti. Je n’aurais pas dû venir! J’ai peur! Je l’ai regardé et je lui ai dit : veux-tu que je retourne avec toi et qu’on remonte ta voiture? Elle m’a dit non. Plus d’une fois, je lui ai proposé d’aller embarquer ses choses et de repartir. Maryse venait de faire la plus grande bêtise de sa vie. Je me sentais impuissante. Une fois à l’intérieur, je raconte l’histoire à Jane cette femme attachante que j'aime et respecte beaucoup. Elle voulait connaître l’histoire de Maryse et de Patrick. Elle était dévastée et se sentait elle aussi impuissante.
Je me suis aussi excusée d’avoir introduit Patrick et sa famille. Je venais d’apprendre le côté malhonnête du « Roméo » à Maryse. Marty et Jane avaient eu de la peine pour Maryse et ils avaient proposé de l’héberger pour un temps. C’était généreux de leur part. Cette escapade m’avait permis de donner beaucoup. Donner sans chercher quelque chose en retour. D’avoir une belle âme, est-ce quelque chose de négatif? Qu’on me surnomme de MT ou de Val! C’est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement. Je revenais à Montréal, mais je n’abandonnerais pas Maryse pour autant.
Vous demanderez-vous ce qui est arrivé à cette Maryse? Elle est revenue à Montréal 10 jours suivant mon retour… Patrick ne tint pas parole et ne lui remboursa aucunement les dépenses encourues pour aller le rejoindre! Si un jour vous connaissez une amie qui cherche à partir à l’extérieur, racontez-lui l’aventure de Maryse… Peut-être, cette personne pourra éviter de grands désagréments!
Source : LaMetropole.com
VALÉRIE VANDAL
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