J’ai 15 ans. Je suis passée moi-même par un questionnement profond au sujet de mon orientation sexuelle. Mais bon, aujourd’hui, je sais qui je suis, j’ai un amoureux et je suis bien. Et pour avoir un peu vécu ce genre de chose, je suis vraiment le genre de personne à considérer qu’une lesbienne, un gai ou un bisexuel, c’est avant tout un humain. J’ai beaucoup d’amis qui ne sont pas hétérosexuels, mais ils ne me paraissent pas moins normaux. Au contraire, ils tombent en amour avec des gens qui les rendent heureux, et moi, ça me fait sourire.

Ça fait partie de ma vie. Donc, pour moi, ça ne fait pas de sens qu’un homosexuel doive s’identifier comme homosexuel. Ça ne fait pas de sens que pour enrayer l’homophobie, on doive créer un défilé de la fierté gaie.

Une fois, j’ai rencontré une fille. Appelons-la Julie, pour la cause. Donc, je rencontre la fille, elle semble super sympathique. Je brise ma gêne et je décide d’aller la voir. La fille, tout sourire, me tend la main et dit: «Salut, j’m’appelle Julie, je suis lesbienne.» Et du coup, dans ma tête, je me suis dit: D’accord, tu es lesbienne mais est-ce que tu es autre chose? Avant d’être une lesbienne, est-ce que tu es un humain à part entière? Est-ce que tu joues de la guitare? Est-ce que tu écris? Quel âge as-tu? Qui es-tu, à part être une lesbienne? Est-ce que ça fait tellement partie de toi que tu sens vraiment le besoin de t’introduire de cette façon? Parce que moi, j’aurais aimé savoir ça avant de savoir que tu aimais les femmes…

Notre orientation sexuelle n’est pas censée être quelque chose qu’on saupoudre un peu partout. Oui, ça fait partie de nous. Oui, si j’veux être amie avec toi, je dois prendre tout de toi, même la lesbienne. Mais tu n’es pas qu’une lesbienne. Tu n’es pas qu’un homosexuel. Tu n'es pas qu’une bisexuelle. Tu n’es pas qu’un hétéro. Nous sommes tous quelque chose d’autre avant d’être ça. Moi, c’est ça que je veux connaître.



Et ensuite, il y a la plupart des gens homosexuels que je connais qui s’affichent un peu trop. Un coming out, ça se fait une fois. La sortie du placard, c’est l’étape à franchir pour faire la paix avec soi-même et ensuite vivre avec ça normalement. Normalement. Parce que moi, j’ai pour mon dire que pour faire comprendre à ceux qui ont une ouverture d’esprit aussi grosse qu’une tête d’épingle qu’on est normal, faut d’abord y croire nous-même. Quand tu marches sur le trottoir, comme tout le monde, le monsieur que tu viens de croiser ne sait pas qui tu es, ne sais pas que tu es homosexuel, vous continuez à marcher chacun dans votre direction sans créer de drame.

Si tu portes un bracelet multicolore, que tu mets un mini drapeau de la fierté gaie à ta ceinture ou que tu portes un chandail avec un imprimé du genre: «Proud to be gay» là, le monsieur que tu viens de croiser sait, il arrive même à te juger et tu le sens. Là, tu te sens vraiment mal parce que les gens te regardent de travers mais au final, ces regards, peut-être que tu les as cherchés. Je dis ça comme ça, mais si tu ne t’arranges pas pour détonner, tu n’as pas le mot «homosexuel» écrit sur le front, donc personne ne te regarde comme un extraterrestre.



Je pense sincèrement qu’à trop vouloir se faire accepter, on finit par se mettre soi-même à part. Je comprends qu’on veuille se battre pour nos droits, pour notre intégrité dans la société, mais de là à poser des actions très provocantes juste pour dire: «Je suis là, j’existe et je suis différent. Accepte-moi.» La différence, au premier coup d’œil, entre un homosexuel et un hétéro, n’est pas visible. Mais si on commence à faire comme si notre orientation sexuelle faisait de nous ce que nous sommes, si on commence à essayer de combattre l’homophobie où il n’y en a pas vraiment, là, on la voit. Là, les gens savent.
 
Je crois que le défilé de la fierté n’est pas si utile que ça. J’irai même jusqu’à dire qu’il est une provocation. Quelle meilleure façon de se fondre dans la masse pour faire partie d’une société uniforme que de mettre l’attention sur nous. Je sais que le gay pride est quelque chose d’assez important pour certaines personnes, mais je vois mal la fierté derrière une orientation sexuelle. On ne cesse de clamer que c’est normal, qu’on nait tel qu’on est. Alors pourquoi est-ce qu’on serait fier d’aimer les hommes ou les femmes si, à la base, c’est nous, depuis le début. L’homosexualité ou la bisexualité n’est pas le résultat d’une progression, alors pourquoi est-ce qu’on devrait se lever et dire aux gens qu’on est fier de ça?



Ne me dîtes pas que je ne sais pas de quoi je parle, que je ne suis pas passée par là. Au contraire, j’arrive à comprendre plus que ne pouvez le croire. Je me suis questionnée longtemps et j’ai fini par trouver qui j’étais. Évidemment, ça ne vous concerne pas. Parce que ça fait partie de moi, mais je ne suis pas que ça. Je vous dis ça, parce que quand je marche sur la rue, je suis tout aussi normale que tout le monde. Je suis contre l’homophobie, c’est une forme d’intimidation et c’est inacceptable, mais je suis contre l’exposition malsaine que les homosexuels/lesbiennes/bisexuels ont l’habitude de s’offrir. Je suis contre le «Je suis différent, accepte-moi tel que je suis.» et pour le «Je suis normal, et je dois le faire comprendre à personne d’autre qu’à moi-même.»

On dit qu’on devient plus fort face aux autres quand on parvient à s’aimer soi-même. Je me demande sincèrement si, parallèlement à ça, on pourrait se faire accepter auprès des autres quand on parvient à se dire que notre orientation sexuelle ne fait pas de nous quelqu’un de différent, qu’on est normal. Ce n’est pas de davantage d’acceptation de la différence dont on a besoin, mais bien d'une plus large définition de la normalité…

Je sais que c’est un sujet délicat. Mais un tabou en restera un si on continue de marcher en silence sans ne jamais s’exprimer…

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À défaut de m’être trop souvent tue, aujourd’hui, j’ai énormément à dire. Après m’être cachée pendant tellement longtemps, je suis prête à partager tout ce qui me pèse, que ce soit mon opinion, mes coups de gueule ou mes bons coups. J’ai 15 ans, et je suis ici pour montrer au monde entier qu’il n’y a pas que les grands qui savent écrire en étant cohérent. Et ce, tout en essayant de panser les maux des mots...

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SABRINA BILLARD, AUTEURE

LA SOCIÉTÉ MAGIQUE FUTUR

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