POURQUOI JE RETOURNERAI AUX CADETS?

 

La question que tout le monde me pose de ce temps-si, c’est: «Pourquoi est-ce que tu te fends en 26 pour parvenir à aller à l’école, aller aux cadets et travailler en même temps?» Je pourrais vous noircir des milliers de pages sur les raisons qui motivent mon choix de rester dans les cadets, mais je vous donnerai seulement les plus percutantes, celles qui vous feront vraiment comprendre. Du moins, je l’espère.

Vous le savez, chaque être humain passe à travers certaines épreuves dans sa vie. Moi, je me suis fait intimider et j’ai eu de la difficulté à me débarrasser du mal mental que tout ça m’avait fait. J’avais une basse estime de moi-même et je ne me croyais capable d’absolument rien. Mais quand je suis entrée dans les cadets, ça a changé ma vie. J’ai commencé au bas de l’échelle, comme tout le monde. Mais je me suis démarquée et je suis parvenue à gravir les échelons à une vitesse impressionnante.

Dès la première année, j’étais nommée meilleure cadette de mon niveau. Je faisais partie du peloton de précision, une représentation d’exercice militaire avec les meilleurs, la crème de la crème, comme mon instructeur civil aimait nous appeler. Dès la première année, mes supérieurs ont trouvé en moi le potentiel qu’ils recherchaient chez un cadet exemplaire, chez un futur leader. Et ils me l’ont fait savoir. Tout au long de l’année, j’ai reçu les encouragements et les compliments nécessaires pour qu’enfin j’arrête de me questionner sur mon sort. Parce qu’en septembre 2011, tout ce que je voulais, c’était mourir. Grâce aux cadets, je m’en suis sortie.

Je suis quelqu’un qui a soif d’apprendre. Certes, ce n’est pas nécessairement le cas de tout le monde, mais ce qu’on apprend aux cadets, ce sont des choses qui nous seront utiles dans la vie. À l’école, on ne nous enseigne pas comment recoudre un bouton quand on est dans le trouble. On ne nous apprend pas quoi manger et quoi ne pas manger si on se perd en forêt. On ne nous apprend pas à aménager un campement de fortune sécuritaire si on s’est encore perdu dans le bois. On ne nous apprend pas comment faire des nœuds qui tiennent solidement mais qui peuvent se défaire en 10 secondes.



Mais le plus important, l’école ne nous apprendra pas l’autonomie, le leadership, le travail d’équipe.  Moi, j’ai appris à être la tête d’un groupe et à garder un groupe stable en moment de stress. Aux cadets, j’ai eu mon cours de secourisme d’urgence, je peux sauver des vies. Je sais comment coudre, je sais comment repasser des vêtements. Je sais que vu comme ça, ça a l’air idiot, mais ce sont des connaissances qui vont me suivre toute ma vie. Et je n’ai pas fini d’apprendre.

En septembre, à mon unité, je répondrai au nom de Sergent Billard. Je suis cadet-cadre, ce qui signifie que les plus jeunes sont sous mon aile. Ils sont là pour apprendre ce que je sais. Déjà l’an passé, des cadets de mon unité venaient me voir pour me dire qu’ils voudraient marcher dans mes pas et me prendre pour exemple. Parce que j’ai le plaisir de transmettre mes connaissances à mes recrues. Je suis toujours très heureuse d’avoir un rôle à jouer dans leur avenir au corps de cadets. J’ai la capacité de transmettre aux autres l’énergie qui m’anime quand je suis avec eux.



J’aime croire que petit à petit, j’aide à créer des citoyens exemplaires, un des buts du mouvement des cadets. L’an dernier, j’étais le cadet-commandant du peloton de précision des recrues. Ma première expérience, j’ai adoré. Cette année, je compte aller voir mon commandant d’unité, déterminée, comme toujours, pour lui dire que je veux retenter l’expérience, mais cette fois-ci, avec tous les volontaires du corps de cadets.

Les camps d’été. Cet été, j’étais supposée passer six semaines sur le Centre d’instruction d’été des cadets de Valcartier (CIEC) pour suivre le cours d’instructeur d’exercice militaire et cérémonial (IEMC). J’ai refusé mon camp pour pouvoir travailler. Mais j’aurais tellement dû y aller. Parce que le camp, c’est les encouragements et les compliments de mon corps de cadets mais en mille fois plus intense, parce qu’il y a mille fois plus de monde (oui, j’extrapole). Le camp, c’est un gros coussin d’amour et de respect qui t’attrape quand tu sais que tu vas tomber.



Durant l’été 2012, j’ai vécu mon premier camp, Instruction générale. J’ai rencontré quelqu’un d’extraordinaire qui m’a fait sentir spéciale et que je ne remercierai jamais assez. Pareil pour mon camp de l’été dernier, soit le cours d’exercice militaire et cérémonial élémentaire. Oh, et j’avais les meilleurs cadets-cadres du monde; quand ce sera mon tour, je prendrai exemple sur vous. L’été prochain, j’aurai 16 ans. J’essaierai d’appliquer pour un poste de cadet-cadre sur le CIEC Valcartier parce que je ne peux plus passer un été complet sans cette atmosphère spéciale qu’on ne retrouve qu’au camp!

Vous le savez plus ou moins, mais j’ai un lien très spécial avec ma maman. C’est ma meilleure amie, elle sait tout de moi. Ma mère était tout près de moi quand ça n’allait pas, et ça aussi, ça m’a beaucoup aidée. Quand j’enfile mon uniforme, qu’elle me regarde, je sais qu’elle est fière. Je sais qu’elle sait à quel point j’ai trouvé la vie dure plus jeune et elle est fière que j’ai réussi à sortir de ce cercle vicieux. Chaque fois que je réussis quelque chose de nouveau, elle me regarde avec ce sourire qu’elle m’a toujours si bien lancé pour me faire comprendre que peu importe ce qu’il se passait, elle serait fière de moi. Chaque grade que j’ai reçu, elle était là pour me le remettre.



Ma mère est passée par exactement le même chemin que moi, l’intimidation, dans la même école secondaire. Elle n’a par contre pas eu la chance d’avoir cette proximité avec sa propre mère, elle sait donc à quel point c’est important qu’elle fasse partie de ma vie à chaque moment. Et moi je sais à quel point ça lui fait du bien de voir que j’ai décidé de me battre. Les cadets, ça fait partie de ma bataille. Je veux continuer de me battre pour ma mère. (Je m’excuse maman pour les larmes que tu as sûrement versées durant la lecture de ce paragraphe, mais je tiens à te dire que j’ai dû prendre des pauses parce que je ne voyais plus ce que j’écrivais, j’braillais comme une Madeleine.)

Vous savez, la plupart des gens autour de moi, quand je leur parle des cadets, ils me disent que c’est de la merde. Qu’il faut porter un uniforme, que c’est hyper sévère, que c’est militaire. Mais c’est tellement plus que ça. C’est des expériences incroyables, des histoires qui vont me suivre toute ma vie. C’est une fierté. Ça m’fait de la peine de voir qu’il y tant de gens qui ne veulent pas aller voir derrière les idées préconçues. Moi je vous le dis, les meilleurs expériences de votre vie valent bien une petite heure par semaine à repasser un uniforme et à cirer des bottes.



À mes incroyables cadets du Corps de cadets 2591, à mes hilarants collègues cadets-cadres, à mes merveilleux instructeurs civils et à mes fantastiques officiers CIC, merci pour tout. Merci d’avoir fait de moi la fille que je suis maintenant. J’avais beaucoup de chemin à faire, mais avez réussi à me faire comprendre qu’on est plus fort en groupe. Mon groupe, c’est vous, et c’est grâce à vous que je suis forte.

Sans les cadets, je ne serais plus ici. Je ne dirai jamais assez merci à ceux qui font de ce mouvement le plus merveilleux du monde.

Et vous, pourquoi retournerez-vous aux cadets en septembre? Ou encore mieux, pourquoi irez-vous vous inscrire dans une unité? Et les anciens cadets, qu’est-ce que vous ont apporté les cadets?

À défaut de m’être trop souvent tue, aujourd’hui, j’ai énormément à dire. Après m’être cachée pendant tellement longtemps, je suis prête à partager tout ce qui me pèse, que ce soit mon opinion, mes coups de gueule ou mes bons coups. J’ai 15 ans, et je suis ici pour montrer au monde entier qu’il n’y a pas que les grands qui savent écrire en étant cohérent. Et ce, tout en essayant de panser les maux des mots...

ENFANTS SOLDATS?

SABRINA BILLARD, AUTEURE

LA SOCIÉTÉ MAGIQUE FUTUR

TOUT RECOMMENCE, ENCORE…