LA VIE PARFAITE DES CHICKS DE VARENNES

 

Mardi, j’ai dit un mensonge blanc sans savoir que c’en était un, car sur le moment, je me suis cru. Entouré d’amis et de connaissances, de gars et de filles, j’ai dit que je préférais parfois choquer que de draguer. J’ai raconté la soirée où j’ai réussi à nous faire inviter, mon ami et moi, à une table de sept jeunes et jolies étrangères. J’ai dit qu’une fois assis avec elles, j’avais préféré choquer et froisser les filles plutôt que de les draguer: j’ai menti. Si j’ai agi avec elles de cette manière, c’est parce que je n’ai pas conçu un moment qu’une d’entre elles puisse s’intéresser à moi. Je me suis autosaboté par peur de l’échec.

Mardi, entouré de déesses de la beauté et de la grâce, nous fêtions le départ de 4oes, ma meilleure amie. Au palais des chicks et du vino, je me perdais dans les yeux trop pétillants, à travers les formes trop symétriques et sur les idées de celles qui ont la vie trop parfaite. La compagnie des femmes fatales m’embrouille l’âme et me donne l’impression de m’être égaré quelque part. Comme si j’avais pris le mauvais bus et qu’on m’avait débarqué par erreur au royaume de la perfection et de la dentelle.

Mardi, entouré de déesses de la beauté et de la grâce, je repensais au soir où je draguais trois filles sur une terrasse. À un moment, les filles ont décidé de faire une sorte de concours de popularité. Le but du jeu? Se faire payer des verres par des gars; celle qui harponne le plus de poissons gagne. J’ai assisté, impuissant et ahuri, au spectacle de trois chicks prenant les gars pour ce qu’ils étaient ce soir-là, des bites naïves et des portefeuilles sur deux pattes.

« Ben sûr que je te paie un verre, chérie. » Elles revenaient chaque fois plus saoules et plus fières, en se marrant de ceux qui avaient mordu à l’hameçon. « Tu  as vu comme il était douch, le dernier? » Alors, quand l’une d’elle, à la fin de la soirée, m’a demandé si on buvait un dernier verre ensemble, je lui ai répondu, sur un ton ironique, que les chicks comme elles étaient trop parfaites pour moi: « Va te faire payer un verre par monsieur muscle là-bas, moi j’suis paumé, un peu saoul, et il est tard. »

Mardi, entouré de déesses de la beauté et de la grâce, je me sentais minus. Si je ne parle que de ma carrière, de ces réussites-là, c’est bien parce que j’ignore qui être devant elles. Qui suis-je, si je ne suis pas Samuel Bricault, auteur & conférencier? Pour elles, j’ai souvent l’impression que je resterai toujours l’ami bizarre de 4oes, l’écrivain alcolo de service. Alors souvent, trop souvent, je fais ce que je pense qu’on attend de moi: je fais l’idiot et je bois, ou plutôt je bois et ensuite, je fais l’idiot.

Sauf que mardi dernier, quelque chose a changé. Peut-être parce que j’ai réussi à regarder ces filles-là dans les yeux. Ou peut-être parce que j’ai accepté que ces chicks n’étaient pas parfaites et que je n’étais pas celui que je pensais voir dans leurs yeux. Ce que je voyais, c’était mon propre regard à travers leurs yeux à elles. Parce que devant elles, je me sens diminué et que quand je me sens diminué, je deviens minuscule.

J’ai toujours pensé que 4oes, ma meilleure amie, ne voulait pas sortir avec moi à cause de mon physique à moi et de sa perfection à elle. Si un jour j’atteins mon objectif physique, un six pack et des jeans 30 de taille, et que 4oes décide qu’elle m’aime, je la refuse, c’est promis. Pas par vengeance, mais par haine de moi, d’elle et de ce monde superficiel dans lequel nous avons appris à mal vivre.

Mardi, entouré de déesses de la beauté et de la grâce, j’ai réussi à me sentir à ma place. C’est plus facile d’être en criss, de penser du mal des chicks en les déshumanisant. Ce sont des corps parfaits sur deux pattes: de mesquines créatures vénusiennes se nourrissant à même le cœur des hommes et parlant la Médisance. Si elles ne sont que chicks, que ça, tu peux leur en vouloir d’être si parfaites et imaginer leur vie à leur image. La vérité c’est que, celles-là du moins, sont beaucoup plus que chicks: elles sont humaines, conscientes et bonnes. C’est plus facile d’être jaloux et de les haïr. Par contre, mardi et pour le reste de mes jours, je choisi de les aimer, même si ça me fait mal de les voir briller plus fort que moi.

LES OPINIONS EXPRIMÉES SONT CELLES DE L’AUTEUR ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CELLES DU PORTAIL DU GRAND MONTRÉAL LaMétropole.com

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